Une étude américaine1 menée sur plus de 15 ans a constaté un lien entre la stimulation par les jeux éducatifs ou la lecture chez les enfants de 4 ans et l’organisation spatiale durable des synapses de leur cerveau. Pour faire simple, si des enfants de 4 ans sont régulièrement en contact avec des livres et des jeux éducatifs, leurs performances cognitives seront, au terme de leur adolescence, meilleures.
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Martha Farah et son équipe de l’Université de Pennsylvanie ont suivi, depuis la naissance et durant près de 15 ans, l’éveil culturel et ludique de 64 enfants vivant en milieu défavorisé. Le but de cette étude était d’examiner, au terme de leur adolescence, l’évolution du cortex cérébral. Le protocole comprenait notamment une évaluation de l’environnement affectif (parental) et culturel (nombre de livres et de jeux mis à disposition) de ces enfants à 4 ans puis à 8 ans, et un examen cortical par IRM à 18 ans.
Les résultats ont ainsi montré que les jeunes bien stimulés par les jeux et la lecture à l'âge de 4 ans présentaient à 18 ans un désépaississement de deux zones du cortex cérébral. Le désépaississement de ces zones liées aux tâches visuelles complexes telles que la lecture n’a en revanche pas été observé chez les autres. Selon les chercheurs, le fait de stimuler fréquemment les circuits neuronaux et synaptiques dédiés à ces tâches cognitives aurait entraîné, dans la même région, la régression voire la disparition d’autres circuits cérébraux plus rarement sollicités. Ce « ménage » affinerait l’épaisseur du cortex en raccourcissant en quelque sorte les chemins cérébraux « utiles » et en améliorant les performances cognitives.
Steven Laureys, neurologue, directeur du Coma Science Group ULg, le souligne : « Cette étude confirme chez des enfants ce qui était déjà bien établi chez l’animal, à savoir que l’environnement et la stimulation cognitive au plus jeune âge influencent la maturation et le développement de notre cerveau plus tard dans la vie. »
Si la corrélation entre stimulation intellectuelle de l’enfant de 4 ans et « affûtage » du cortex est manifeste, la relation de cause à effet reste cependant à établir. La même expérience a été menée avec des enfants de 8 ans et là, on constate que les différences entre enfants stimulés et les autres sont quasi inexistantes.
Brian Avants, auteur principal de l’étude, en arrive ainsi à la conclusion que le cerveau humain est très sensible à son environnement et ce, dès le plus jeune âge mais aussi, que des variations selon les périodes de l'existence peuvent affecter le développement du cerveau pour toute une vie.
Photo © Blend Images« Ces études longitudinales sont longues, coûteuses et difficiles à réaliser », conclut Steven Laureys, « mais elles sont tellement importantes pour pouvoir définir les fenêtres temporelles critiques et surtout en tirer des conséquences pratiques – et basées sur des preuves scientifiques – pour l’organisation de notre système scolaire. »
Et nous serions tentés d’ajouter que ces études sont également importantes pour nous faire prendre conscience, en tant que parents, qu’un petit tour à la bibliothèque peut parfois faire autant de bien à nos petits de 4 ans qu’une heure à la plaine de jeux et surtout, que les 10 minutes de lecture quotidienne sont, en effet, un bon investissement pour l’avenir des performances cognitives de nos marmots.
Vincianne D'Anna
Novembre 2012
Vincianne D'Anna est journaliste indépendante, spécialiste de littérature jeunesse.
Steven laureys est neurologue, directeur de recherches FNRS, directeur du Coma Science Group au Cyclotron ULg. Ses principales recherches portent sur les atérations de la conscience chez les patients sévèrement cérébrolésés. Voir son parcours chercheur sur le site Reflexions.