L'histoire méconnue de l'industrie belge du zinc

L'affirmation du secteur belge des métaux non-ferreux

Dans le dernier quart du 19e s., le centre de gravité de l’industrie du zinc se déplace progressivement du berceau historique liégeois vers le Nord de la Belgique. La création de nouvelles usines en Campine s'inscrit dans une double logique. Premièrement, les ressources naturelles belges s’épuisent, à l’image de la mine historique de la Vieille-Montagne dans les années 1880. Les sociétés belges s'approvisionnent de plus en plus dans leurs mines étrangères ou, pour celles qui en sont dépourvues, auprès de producteurs étrangers. L'acheminement de ces minerais empruntant la voie maritime, les nouvelles usines s'implantent à proximité du port d'Anvers. Deuxièmement, la Campine, région rurale, peu peuplée et peu fertile, présente beaucoup d'attrait pour une industrie qui n'a pas résolu les problèmes de pollution générée par sa technologie. Parallèlement, elle se diversifie alors considérablement. L’utilisation de filtres de récupération, l’amélioration du rendement métallique des fours et les progrès technologiques rendent possible la commercialisation de sous-produits comme le cadmium, le mercure et le nickel, présents dans les minerais de zinc et jusqu’alors négligés. L’acide sulfurique, récupéré dans la phase de grillage du minerai, est également l’objet d’une production qui prend de l'importance. La diversification contribue à l'avènement d’un véritable secteur belge des métaux non ferreux au poids économique significatif et à l’expertise technologique reconnue.

Folder (années 1930) illustrant l'expansion internationale du groupe Vieille Montagne

Folder VM - années 1930bAu niveau international, la fin du 19e s. voit l'apparition d'un nouvel acteur, les États-Unis. Avant le premier conflit mondial, les Américains ravissent la place de premier producteur mondial occupée par l'Allemagne dès son unification en 1871. La Belgique demeure le principal exportateur mondial de zinc. Après la Première Guerre mondiale, la lenteur de la relance en Europe permet aux industriels américains de prendre une avance technologique symbolisée par l’adoption de l’électrolyse qui y détrône le procédé liégeois. L’électrométallurgie possède l’avantage de ne plus produire les fumées tant décriées depuis l'aube du 19e s. Elle génère néanmoins d'importants volumes d'acides. La Vieille-Montagne mettra en marche, dès 1922, la première usine de zinc électrolytique sur un de ses sites français (Viviez, dans l’Aveyron). Mais, en Belgique, l’abandon du procédé thermique sera bien postérieur. Le procédé liégeois reste en effet utilisé dans les anciennes fonderies liégeoises jusqu’aux années 1960.

Le 20e s. est marqué par la mise en place de plusieurs cartels visant à stabiliser les prix et à contrôler la production. Au niveau belge, un important processus d'intégration industrielle se concrétise dans les années 1980 par une vague de fusions. Le groupe Union Minière, constitué en 1989, rassemble l'ensemble des acteurs du secteur belge des non-ferreux, dont les principaux sont la Vieille-Montagne, Metallurgie-Hoboken-Overpelt et, bien sûr, l'ancienne Union Minière du Haut Katanga.

La postérité de l'industrie belge du zinc

Umicore – nouvelle dénomination du groupe Union Minière au début des années 2000 – demeure aujourd'hui un acteur important dans le domaine de la production de zinc. Depuis 2007, l'entreprise s'est alliée avec le producteur australien Zenifex pour créer Nyrstar, leader mondial de la production du zinc et du plomb. En Belgique, le groupe maintient six sites de production. De l'ancien pôle liégeois, seule subsiste l'usine d'Angleur, construite par la Vieille-Montagne en 1837, où l'on produit de l'oxyde et des poussières de zinc. L'ancienne usine à zinc de la Nouvelle-Montagne, appartenant désormais au groupe Prayon, s'est, elle, reconvertie durant le 20e s. dans la chimie des engrais. Pour le reste, quelques témoins appartenant au patrimoine industriel subsistent en Province de Liège. Quant aux pelouses calaminaires, témoins des effets polluants de la métallurgie thermique du zinc sur la végétation et les sols, elles sont devenues aujourd’hui, clin d’œil de l’histoire, des espaces protégés au nom de leur flore et de leur faune exceptionnelles.

Arnaud Péters
Octobre 2012

crayongris2Arnaud Péters est chercheur au Centre d'Histoire des Sciences et des Techniques, au Département des sites industriels. Sa thèse de doctorat concerne l’histoire du système belge des brevets au 19e siècle et l'innovation dans l'industrie belge du zinc.

 

 

 

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