The Expendables 2 : Le palimpseste sanglant

Le palimpseste sanglant

Mais tout au plus s’agit-il là d’une référence idéologique. Peut-on parler, par conséquent, d’un palimpseste ? Sans doute que non, si on ne s’en tient qu’à la forme du film qui ressemble à celle des films des années 80 (montage fluide, peu de sang, travail sonore intense). Pour pouvoir affirmer qu’Expendables 2 est un palimpseste sanglant de l’action-movie hollywoodien des eighties, il faut plutôt regarder dans l’attitude des héros, et dans le message du film.

Image 4 - Nostalgie esthétique ; même les costumes rappellent les films de guerre de John Wayne

Nostalgie esthétique ; même les costumes rappellent les films de guerre de John Wayne

Chaque acteur n’est pas tant présent dans Expendables 2 en tant que vedette déchue qu’en tant qu’entité symbolique : quand Schwarzenegger débarque en détruisant un mur, son « I’m back » est autant une référence cinéphilique (Terminator) que la renaissance d’une icône et de l’imagerie qu’elle véhicule (il utilise un fusil lourd, bruyant, destructeur : on repense à Predator, à Commando ou encore Terminator 2). Tous autant qu’ils sont, les vieux acteurs ont conscience de leur statut actuel et décident d’en jouer pour désacraliser leur existence contemporaine (Chuck Norris et sa blague « Chuck Norris Fact », Jean-Claude Van Damme et sa comparaison entre l’homme et le mouton), pour retrouver l’image qu’ils avaient autrefois (Chuck Norris l’invincible et Van Damme le karatéka très souple). S’ils ont du mal à s’intégrer dans le cinéma contemporain, aucune de ces icônes des années 80 ne veut raccrocher (on ne compte plus les « on m’a dit que t’avais été tué » qu’ils se renvoient les uns aux autres). Et quand Schwarzenegger balance « notre place est peut-être dans un musée », c’est par un rire satisfait et orgueilleux qu’ils se répondent entre eux. S’ils ne sont pas des antiquités, ils ne sont pourtant pas avides d’une seconde jeunesse : dans Expendables 2, les jeunes ne combattent que les jeunes, et les vieux que les vieux.

5En utilisant l’humour et la mise à jour de leur cinéma, les Expendables forment une entité unique, en dehors du temps, comme si les années 80 avaient toujours cours en 2012 (une partie du film ne se passe-t-elle pas dans un décor construit durant la guerre froide ?). Ce n’est plus le corps qui est devenu intemporel, mais bel et bien l’acteur lui-même et, par extension, tout le cinéma qu’il représente. C’est peut-être là qu’il faut chercher le secret de la réussite d’Expendables: le film agit comme un retour aux sources, sans que le spectateur ne prenne pour autant un coup… de vieux.

Bastien Martin
Septembre 2012

crayongris2
Bastien Martin est journaliste indépendant. Il mène aussi des recherches doctorales en histoire et esthétique du cinéma.

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