En plein centre-ville, la Cathédrale Saint-Paul abrite en son cloître un véritable Trésor qui, après une importante campagne de travaux, rouvre enfin ses portes. Visite de cette collection, emblématique de la riche histoire de l'ancienne Principauté de Liège.
Les trois niveaux de l'ancien musée de la Cathédrale, ainsi que l'aile ouest, ont été entièrement réaménagés pour la circonstance. Un investissement important d'environ 2,5 millions d'euros, financé par le Feder, la Région Wallonne et la Province. Totalement revisitée, la scénographie se base sur trois axes principaux : « Elle se veut avant tout thématique, didactique et esthétique », explique le conservateur du Trésor, Philippe George. Elle démontre clairement la volonté du nouvel espace muséal d'élargir son public, et de s'intégrer dans une politique de dynamisation culturelle, amorcée avec la réouverture du Grand Curtius. Ses huit nouvelles salles d'exposition nous transportent au temps où Liège était la capitale d'une puissante principauté épiscopale.
Une ville aux cents clochers
Vierge des avocats
Oser pousser la porte du nouveau musée, c'est voyager à travers les siècles, à travers l'art et l'histoire de ce qui constitue notre Cité Ardente. Au rez-de-chaussée, le parcours débute par un aperçu historique et géographique de la Principauté. Une carte plante le décor et, au centre de la pièce, une borne didactique précise certains détails importants. « En les intégrant au parcours, nous souhaitions donner un bagage sur les collections », explique le conservateur. Plus loin, sérigraphies et montage vidéo illustrent les temps forts de l'histoire de la Cathédrale Saint-Lambert, de sa construction à sa démolition prématurée. « Au Xe siècle, Liège aurait, elle aussi, pu s'appeler la ville aux cent clochers, car outre la cathédrale et ses sept collégiales, elle compte de nombreuses églises et chapelles », précise Albert Kelders, coordinateur.
Essentiellement religieux, l'art mosan atteste du savoir-faire des artisans de la région. Le Trésor lui fait la part belle et le visiteur peut y découvrir des pièces majeures telle que l'ivoire des « Trois résurrections » (1025-1060). « Cet ivoire narratif superpose, à la manière carolingienne, sur trois registres et de haut en bas, trois scènes de résurrection opérées par le Christ et rapportées par la Bible : la fille de Jaïre, le fils de la veuve de Naïm et Lazare. Le style est parfaitement mosan, avec ses silhouettes fluides drapées et leurs têtes et chevelures caractéristiques, qui se détachent sur un fond peint », poursuit-il. La pièce vient de rentrer de restauration, après un séjour de plus d'un an dans les ateliers de l'Institut Royal du Patrimoine Artistique (I.R.P.A.) de Bruxelles. Celle-ci a permis quelques découvertes intéressantes, notamment en ce qui concerne la polychromie.
Des personnages historiques
La visite se poursuit. Ils sont tous là, ceux qui ont fait l'histoire de la Cité Ardente. En contrebas, une vitre transparente laisse, par exemple, apercevoir le cercueil en plomb d'Erard de la Marck, prince-évêque de Liège de 1505 à 1538. Sa taille impressionne. « Il était très grand, précise Albert Kelders. Il mesurait pratiquement 1m90 ». A l'étage, de grands noms sont évoqués : Monseigneur Charles d'Argenteau, Joseph-Clément de Bavière, Philippe Le Bon dit « Le grand bâtard » ou encore son fils Charles Valois-Bourgogne. Leurs portraits couvrent les murs, leurs effets personnels s'exposent : belle chapelle, lutrin, chasuble ainsi que de très belles pièces d'orfèvrerie tel que le reliquaire de Charles Le Téméraire.

Le troisième niveau se veut plus polyvalent « Cet espace peut accueillir des conférences, des concerts,... Il a été spécialement équipé pour permettre une animation permanente durant l'année », commente Philippe George. Au fond de la salle, un couloir étroit mène vers l'aile ouest du cloître, là où les travaux de rénovation sont les plus flagrants, vers "Les chemins de la soie", un aperçu complet des collections textiles du Trésor. Ce parcours thématique est aussi, toujours via une borne interactive, l'occasion de présenter les métiers à tisser. Comme pour les illustrer, deux soieries révélées par l'âme de l'ancienne châsse de Saint-Lambert sont exposées. Bien que peu gênante, la faible lumière peut sembler incongrue : « elle a pourtant été étudiée pour permettre une meilleure conservation des tissus », indique Philipe Georges.
Prouesses techniques

Dans cette salle, les voûtes fissurées ont été restaurées et les rosaces descellées de manière à pouvoir intégrer les collections. Pour résoudre les problèmes de stabilité, les ingénieurs ont réalisé de véritables prouesses techniques. Dorénavant, le visiteur arpente une dalle en forme de ponton : « Elle fait office de poutre de stabilisation et est contrebutée par un contrefort unique, la tourelle d'escalier extérieur donnant sur la place Saint- Paul », explique le conservateur. Cette dernière est agrémentée ci et là de plusieurs vues vers le jardin du cloître, ainsi qu'en arrière-plan, d'une perspective inédite vers la nef de la Cathédrale. En point d'orgue, sur son piédestal, le majestueux buste-reliquaire de Saint-Lambert s'illumine peu à peu. Il s'agit du plus grand de l'époque gothique tardive conservé en Europe. Le saint patron du diocèse y est représenté à mi-corps en évêque et posé sur un socle dont les six niches racontent la vie. Entre sobriété et inventivité, le voyage se termine ici.
Martha Regueiro
Avril 2009

Martha Regueiro est journaliste indépendante. Elle anime aussi une émission consacrée au spectacle et à l'art sur 48FM.
Tous les jours à 15h, des visites guidées sont organisées par des étudiants en Histoire de l'Art de notre université.
Infos pratiques : www.tresordeliege.be ou info@tresordeliege.be
Photos © Trésor de la Cathédrale