Penser la vitesse : le monde sous l'œil de Paul Virilio

Une réflexion, aussi, sur l'information

Malgré ses propos peu amènes envers l'évolution de notre civilisation, Paul Virilio apparaît pourtant comme un bon vivant. L'œil vif et le sourire farceur, c'est presque avec bonheur qu'il nous fait part de ses pensées les plus pessimistes. Surtout lorsqu'il intervient en présence du dessinateur Enki Bilal. « Penser, ce n'est jamais triste ! », avoue-t-il en conclusion.

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(photo © Penser la vitesse - ARTE Éditions)

En dépit des allures parfois paranoïaques que les interventions multiples donnent au film, il faut toutefois souligner la réflexivité que Stéphane Paoli porte, lui, sur la profession de journaliste. Avec l'absence de recul et la pression du « temps réel », les journalistes se retrouvent dépossédés de leur matière première, qu'ils n'ont pas le temps de s'approprier. Ironiquement, c'est un peu ce qui risque d'arriver au spectateur non averti. Sous l'avalanche de « poids lourds » comme Jacques Attali, François Jost ou Dominique Wolton, et de leurs grandes phrases, le spectateur court le risque de se laisser submerger.

Kevin Reynaerts

Le temps de ralentir

On peut dire que Stéphane Paoli a brassé large. Chaque intervenant, dans son domaine de compétence, est invité à traiter du danger de la vitesse. Les discours sont moins convenus qu'à l'habitude. Avec deux effets principaux. D'un côté, une mise en garde, une confrontation avec la réalité, avec l'espoir d'une prise de conscience qui serait bénéfique. D'un autre côté, un aspect fataliste qui peut être gênant : où sont les solutions ? On nous prophétise le chaos, avec peu de pistes pour s'en sortir. Cela laisse un goût amer au fond de la gorge. La vision assez plate de la mondialisation participe à ce malaise : n'oublions pas que derrière l'aspect dématérialisé de la finance se cachent des groupes financiers, des familles et des personnalités bien réelles.

Cependant la structure et l'esthétisation du film sont soignées. Jointures, liens entre les interviews, les images d'archives sont stylisées. Il y a un jeu constant sur le ralenti, l'accéléré, la fragmentation qui illustre parfaitement bien le discours latent du documentaire.

S'il est temps de ralentir ? Certainement. On ne pourra pas dire que personne ne nous avait prévenus.

Stéphanie Cintori
Avril 2009

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Fatima Djelil, Kevin Reynaerts et Stéphanie Cintori sont étudiants en 2e master en Information et Communication, à finalité spécialisée en presse écrite et audiovisuelle.



La carte d'identité de Paul Virilio : Penser la vitesse

Genre : documentaire
Réalisation : Stéphane Paoli, France, 2008
Durée : 90 min.
Avec des interventions de : Jeremy Rifkin, Walter Bender, Hubert Védrine, Jacques Attali, Enki Bilal, Mohammed Yunus, Jean Nouvel...
Un DVD Arte Vidéo-La Générale de Production

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