 
 Serge Delaive n'est pas un élégiaque : il est au-delà : Cette fois encore je ne trouverai rien / Sinon la blessure du soleil au petit matin. « Écorché » sentirait le cliché, « blessé », l'indiscrétion. Il écrit au couteau des poèmes qui ne s'embarrassent guère de joliesse ou de coquetterie formelle. Pourtant l'humour (gris), le sens du rythme (jazz), un art de la formule ou de la figure sont bien là :
Ne sois pas déçue
 Range ce regard dans sa gaine
 Tu n'y es pour rien
 Je veux juste rester seul
 Car ce soir j'ai un rendez-vous
 Dans les soubassements
 De mon crâne
Poèmes sombres et rouges à la fois, pudiques-impudiques :
Rongé par la douleur
 je ne voyais plus d'issue
 quarante ans sonnés
 un trou dans le ventre
 et ma tête pantelante
 au bout d'une corde
 c'était la fin de la route
 tout simplement
Mais aussi l'amour, le désir, les enfants, l'amitié, la poésie, l'écriture.
Langue étrangère : d'abord parce que Delaive s'essaie avec bonheur à quelques poèmes écrits directement en anglais, italien ou espagnol :
I sit on a ladder
 still and quiet
 facing the void
 somewhere between
 a top and a bottom
 that I cannot see
 lost across the clouds
 moving like slow bubbles
 any sound but the one
 in my soul
 hurling itself
 towards an infinite sky
 one could think
 I would die
 but it's a mistake
 I just wish to dive.
Mais sans doute aussi pour dire que la langue est toujours étrangère à l'expérience, à la douleur : Je parle une langue morte.
Le poème est inhabitable, conclut-il. Pourtant un homme est tout entier l'occupant lucide de ces poèmes-là.
Gérald Purnelle
Avril 2009
 
 Gérald Purnelle est docteur en Philosophie et lettres, philologue classique de formation. Ses recherches actuelles à l'ULg ont pour principal objet la métrique, l'histoire des formes poétiques et la poésie française des XIXe et XXe siècles.

