Après le tendre Good Bye Lenin sur la chute du Mur de Berlin ou La Vie des autres sur le rôle obscur de la Stasi, l'Allemagne continue de revisiter son passé trouble par le biais du cinéma. Cette fois, c'est le terrorisme d'extrême-gauche, et sa figure emblématique Andreas Baader, qui est porté à l'écran.

Berlin-Ouest, 2 juin 1967. Suite à la visite officielle du Shah d'Iran, une émeute éclate entre des activistes iraniens et des centaines de jeunes Allemands. Une émeute qui fait une victime, un étudiant abattu par la police. Elément déclencheur pour toute une génération d'étudiants, qui s'interroge sur l'héritage nazi, conteste le matérialisme béat et la surveillance policière qui règne en Allemagne de l'Ouest, et ne manque pas de lorgner de l'autre côté du Mur, à Berlin-Est et dans les pays satellites de l'U.R.S.S. Cette contestation intellectuelle va parallèlement faire tomber certains dans la violence la plus extrême : Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Ulrike Meinhof, les membres fondateurs de la « Bande à Baader », n'hésiteront pas à enlever et assassiner au nom de la lutte contre l'impérialisme américain et le capitalisme.
Alors que les troupes américaines s'enlisent au Vietnam dans une guerre qui suscite une contestation quasi mondiale, l'Europe s'enfonce progressivement dans les années de plomb. Jusqu'à la fin des années 80, elle connaît la spirale infernale d'actions terroristes, suivies de durcissement du pouvoir d'Etat : Action directe en France, les attaques des Brigades rouges et les attentats de l'extrême-droite en Italie, les C.C.C (Cellules Communistes Combattantes) en Belgique ou la RAF (Rote Armee Fraktion), plus connue sous le nom de « Bande à Baader » en Allemagne.
Réalisé par Uli Edel, produit et scénarisé par Bernd Eichinger, à qui on doit le script controversé de La Chute, sur les derniers jours d'Hitler, Der Baader Meinhof Complex constitue une véritable reconstitution, images d'archives à l'appui, des agissements du groupuscule extrémiste. Des premiers balbutiements terroristes au détournement d'un avion de la Lufthansa en passant par le meurtre d'Hanns Martin Schleyer, le patron des patrons allemands, toutes les actions de la « Bande » sont contées. Et c'est justement là qu'apparaît le premier bémol. Car au lieu d'énoncer un point de vue clair et défini, le film se borne à décrire sans explication aucune l'ensemble des faits, dans une chronologie certes rigoureuse mais pourtant partielle quant aux accointances de la « Bande » avec l'Est ou avec d'autres cellules de l'ombre. De plus, les personnages, incarnés notamment à travers les trois générations du groupuscule, ne sont pas toujours clairement identifiés et le spectateur un peu béotien, ou tout simplement moins au fait des complexités de ces questions politiques, aura vite fait de décrocher.
L'autre souci majeur de ce film est sa discontinuité rythmique. S'il parvient à capter dans sa première partie, il manque pourtant assez rapidement de souffle. Un défaut d'homogénéité qui est dû à la recherche trop systématique des scènes de violence dans la première heure. Ce manque est partiellement masqué par la qualité exceptionnelle de la reconstitution spatio-temporelle, tant via la bande sonore que par les éléments matériels du décor. Le film n'aurait pourtant pas perdu en efficacité en développant un propos plus concis. Ou, à l'inverse, en adoptant une méthode qui est fort à la mode dans l'industrie du cinéma, le diptyque, comme l'improbable Che ou encore Mesrine.
Enfin, impossible de passer sous silence la prestation mirifique de cette nouvelle génération dorée d'acteurs allemands. Même si l'on peut regretter l'absence au générique de la figure de proue Daniel Brühl, le film est un condensé de ce qui se fait de mieux outre-Rhin, Martina Gedeck en tête. Sans oublier le vétéran Bruno Ganz, - Hitler dans La Chute -, d'une exactitude saisissante sous les traits d'un chef de police tenace.
Au final, il en résulte un long-métrage qui oscille entre film d'action et réflexion politique, mais qui nécessite un pré-requis historique pour saisir dans sa totalité la problématique qu'il évoque. Un film qui ne fait pas l'apologie de Baader mais ne détruit pas pour autant son caractère d'icône. Un film, enfin, qui est à l'image de l'action et de l'idéologie assénées par cette génération contestataire : une somme de bonnes idées évanescentes et une violence décuplée à l'excès.
Sébastien Close
Avril 2009

Sébastien Close est étudiant en 2e master information et communication, finalité presse écrite et audio-visuelle.
En salles au cinéma Sauvenière
La carte d'identité de La Bande à Baader
Titre original : Der Baader Meinhof Komplex
Réalisateur : Uli Edel
Scénariste : Bernd Eichinger d'après le livre éponyme de Stefan Aust
Avec : Moritz Bleibtreu (Andreas Baader), Martina Gedeck (Ulrike Meinhof), Bruno Ganz (Horst Herold), Hannah Herzsprung (Susanne Albrecht), Johanna Wokalek (Gudrun Ensslin)...
Durée : 2 h 25
Production : Bernd Eichinger, Allemagne, 2008