La médecine dans l’art moderne et contemporain
Si les représentations artistiques du monde médical se font moins nombreuses à partir du XIXe siècle, le corps humain, la médecine et l’hôpital demeurent des sources d’inspiration majeures pour les artistes. Quoi de plus évident, quoi de plus présent en effet que le corps ? Fascinant médium qui matérialise notre présence au monde, témoin des âges, réceptacle du temps, compagnon forcé inséparable, malgré son insoutenable fugacité. Soigné ou malmené, sa prise en charge entraine son lot de questionnements éthiques tandis que ses mises en scène révèlent immanquablement un rapport à soi-même et à l’environnement.
Laurence Dervaux, La quantité de sang pompé par le cœur humain en une heure et vingt-huit minutes, 2003.Réceptacles en verre transparent et liquides colorés, 110 x 340 x 180 cm
Pour certains des artistes exposés, le thème de la médecine et du corps est un véritable fil rouge qui guide leur travail. C’est le cas, par exemple, des œuvres de Laurence Dervaux. Sa création mettant en scène « La quantité de sang pompé par le cœur humain en une heure et vingt-huit minutes » est une des pièces maitresses de l’exposition. De très grande dimension, cette œuvre n’a que rarement été montrée au grand public ! Assemblant sept cent cinquante réceptacles de formes et de tailles variées remplis d’eau rouge, elle déploie la diversité des couleurs du sang et de ses « états », en même temps qu’elle met en exergue de manière fascinante et un brin inquiétante l’importance et la fragilité du contenant. Qu’advient-il en effet de ce liquide vital qui nous constitue, dès lors que la machine qui le fait circuler déraille, ou que l’enveloppe corporelle présente des failles ? Le travail de Laurence Dervaux renvoie aux limites de notre matérialité.
Jeux avec les limites et les matériaux sont également au cœur des peintures de Selçuk Mutlu : réalisées avec son propre sang, ses œuvres questionnent le rapport au sacré, le rapport à ce qui est, dans la vie ou dans l’art, acceptable, valable, tout en marquant son refus pour le matérialisme ambiant (« je suis mon propre tube de couleur »). Les photographies d’Andres Serrano attirent également le regard sur le corps dans ce qu’il a de plus cru et traquent ses zones d’inconfort : à quel moment la représentation du corps, dans ses aspects morbides ou tabous, atteint-elle la limite du soutenable ?
Selçuk Mutlu, Sans titre. Sang sur toile. 2011
Reportage RTC. L'avnat-plan : Andres Serrano, The morgue: Rat suicide II, 1992. Cibachrome. Photographie 3/3