Alain Hertay et Alain Pire, Nick Drake. Five Leaves Left

HertayC’est une chouette idée que ces petits livres au format bien pensé qui nous présentent en quelques bonnes dizaines de pages un album phare de l’histoire du rock. Le top étant d’offrir le livre et le CD à un ami ou une amie. Je l’ai fait et ça marche plutôt bien. Il faut dire que le Five Leaves Left de Nick Drake est un disque tendrement mélancolique, comme on les aime sous nos climats. C’est un disque indémodable, comme on dit, puisque les passions tristes nous animent encore et que la simplicité traverse les âges avec la force de l’évidence. 

Après une présentation du musicien, l’album est finement étudié et interprété : la pochette (recto et verso) du disque et chacune des dix chansons (de Time has told me à Saturday sun). Et ce que j’ai particulièrement aimé dans l’approche d’ Alain Hertay et Alain Pire, c’est qu’ils ont évité de nous présenter un Nick Drake solitaire et génial - d’autant plus génial que solitaire -, comme le réclame l’ethos romantique qui résiste particulièrement sous nos latitudes. Or le risque était d’autant plus grand que Nick Drake est mort désespéré et très jeune. Mais l’étude particulièrement fine consacrée à cet album n’hésite pas à prendre le contrepied : Five Leaves Left y est décrit comme la rencontre du jeune chanteur-compositeur avec Joe Boyd, un ingénieur du son passé maître dans l’art de la production (après les débuts de Pink Floyd).

Loin des stéréotypes, il s’agit donc de l’histoire passionnante et particulièrement bien documentée d’une collaboration parfaite entre un jeune musicien talentueux et un producteur aguerri, au goût très sûr et capable de s’entourer des meilleurs musiciens. Et si Five Leaves Left est bien décrite comme une œuvre très personnelle aux accents intimistes, on y montre aussi qu’elle doit sa force de persuasion musicale à un véritable travail d’équipe. Pourquoi y voir à tout prix un paradoxe?

Une démonstration que les auteurs font grâce à leur érudition et, une nouvelle fois, à la collaboration de Joe Boyd qui a répondu aux questions avec la même simplicité et la même humanité que celle qui a présidé à la production de ce disque-jalon de l’histoire du rock.

Je viens de commander la monographie consacrée au OK Computer de Radiohead par Michel Delville et je sais déjà à qui je vais l’offrir.

Stéphane Dawans

 

Négligé par le grand public de son vivant, redécouvert et encensé à titre posthume par plusieurs générations d’artistes, Nick Drake a influencé autant The Cure que David Sylvian, Robyn Hitchcock ou The Dream Academy, sans parler des nombreuses reprises dont il a fait l’objet (Beck, Lucinda Williams, Natacha Atlas, Calexico, Brad Meldhau). 

Alimenté autant par la lucidité et la justesse des analyses d’Alain Hertay et d’Alain Pire que par le précieux témoignage de Joe Boyd - producteur de l’album mais aussi de Pink Floyd, du Fairport Convention, de The Incredible Sting Band et de tant d’autres -, la très belle « discogonie » de Five Leaves Left, nous plonge dans l’univers intimiste, poétique et mélancolique d’un immense auteur-compositeur-interprète. La voix « lente et douce » (pour reprendre les propos de Joe Boyd) de Nick Drake et son jeu de guitare si particulier mérite d’être appréciés et étudiés au-delà des clichés qui entourent désormais la personnalité de cet énième « Van Gogh de la musique populaire », décédé d’une overdose d’anti-dépresseurs à l’âge de 26 ans. Les lectures rapprochées des excellentissimes « River Man » et « Fruit Tree » justifient en soi l’achat de ce livre que vous pourrez emporter partout sur la route des vacances en repassant en boucle cette prodigieuse musique venue d’ailleurs.

Michel Delville

 

Alain Hertay et Alain Pire, Nick Drake. Five Leaves Left, Densité, coll. Discogonie, 2017, 72 p.
 

Lectures pour l'été 2017
Essais, documents, récits, non-fiction
<<< Précédent   •   Suivant >>>