Dans son dernier ouvrage, Bernard Wodon retrace, avec force de détails et d’anecdotes, l’histoire de ce genre si particulier qu’est l’opéra, qui mêle depuis l'Antiquité l'art du spectacle, les arts plastiques, l'art du chant et la musique.
Issu du latin opus, le terme italien opera désigne l’œuvre. C’est à l’œuvre avec un grand « O » que s’attaque ici Bernard Wodon : œuvre totale, l’opéra mêle la musique, le chant, le théâtre, la création de décors et de costumes. Si l’union intime de la musique et du théâtre ne s’accomplit véritablement qu’à l’aube du 17e siècle avec l’École de Florence, l’histoire de ces deux arts s’entremêle dès l’antiquité.
C’est à cette époque que Bernard Wodon décide de remonter afin d’entamer son Histoire de l’opéra, intitulée plutôt L’opéra dans l’Histoire. C’est en l’inscrivant principalement dans l’histoire de la musique et des arts plastiques que l’auteur entreprend son exposé chronologique sur ce genre particulier, le confrontant aux nombreuses mutations de ces arts au fil des siècles.
La somme qui résulte de ce courageux travail est aisément consultable : claire, nettement structurée en neuf chapitres épousant la chronologie, ponctuée d’encadrés synthétiques permettant un accès efficace à l’information, construite sur une alternance de données générales et de présentations de compositeurs et d’œuvres, elle donne à tous accès à une documentation précise sur le sujet traité. Loin d’être une laborieuse énumération, L’opéra dans l’Histoire fait également la part belle aux précisions, aux anecdotes, aux événements insolites survenus dans le petit monde du théâtre lyrique.
On rencontre ainsi l’ambitieux Jean-Baptiste Lully qui, avant de devenir le « père de l’opéra français », fut relégué dans les cuisines de la duchesse de Montpensier où il aurait composé le célèbre Au clair de la Lune un jour de visite du Cardinal Mazarin. On s’étonne de la vie du prete rosso et de ses amours avec la mezzo-soprano Giró. On se souvient de la complexe carrière du génie précoce Mozart et de son espièglerie (notamment lorsqu’il promet à la jeune archiduchesse Marie-Antoinette de l’épouser un jour). On redécouvre l’influence majeure d’André-Ernest-Modeste Grétry sur son temps, les drames de la vie de Giuseppe Verdi, les chefs-d’œuvre de Puccini, Wagner, Debussy, Ravel, Strauss, Prokofiev, Stravinsky… On découvre surtout des compositeurs, jusqu’alors peu ou pas connus qui ont fait vivre le genre aux quatre coins du monde.
De la musique ? Uniquement de la musique ? Non, L’opéra dans l’Histoire met, dès l’introduction, l’accent sur l’importance de la dimension visuelle et spectaculaire de l’opéra. L’évolution de la scénologie et de la décoration, les astuces pour ménager la perspective et créer l’illusion, les descriptions des décors et des grandes mises en scène sont passionnantes et fort instructives pour qui veut comprendre l’évolution du genre jusqu’à nos jours.
La Favorite - Teatro La Fenice (c) Michele Crosera- La donna del Lago - Rossini Opera Festival (c) Studio Amati Bacciardi
Ces deux productions sont au programme de la saison 2017-18 de l'Opéra royal de Wallonie
À travers cet ouvrage, Bernard Wodon mêle donc ses différents sujets d’étude et passions, à l’image du genre dont il traite. Docteur en philosophie et lettre, l’auteur a tant mené des recherches sur les formes ornementales (L’ornement. De l’antiquité au XXe siècle. Paris, Citadelles & Mazenod, 2014) que sur l’histoire de la musique (Histoire de la Musique. Paris, Larousse, 2014) et parvient donc avec cette somme historique sur l’opéra et son contexte culturel à regrouper ces divers domaines.
Un autre objet d’étude est récurrent dans les productions de Bernard Wodon : Liège (Mille ans de rayonnement artistique liégeois, 2016). Cette Liège dont l’Opéra royal de Wallonie est une institution culturelle incontournable et fréquentée, tant par les jeunes que par les plus âgés, par les spécialistes que par les curieux ponctuels, autant de lecteurs potentiels de cet ouvrage préfacé en outre par Stefano Mazzonis du Pralafera, directeur artistique de l’établissement.
Comme tout ouvrage brassant une si vaste matière, l’exposé de Bernard Wodon résulte de choix : certaines œuvres, certains compositeurs n’y apparaissent pas, ou peu. À chacun de juger de la pertinence des décisions prises. Quoi qu’il en soit, L’opéra dans l’Histoire a le mérite de conter la naissance et la fabuleuse postérité de ce genre si particulier qu’est l’opéra. Tout au long du parcours proposé par l’auteur, on apprend, on découvre, on s’étonne, on veut écouter, on veut voir, on veut découvrir…
Madeleine Régibeau
Juin 2017
Diplômée en langue et littérature françaises et romanes, Madeleine Régibeau est professeur dans l’enseignement secondaire et conférencière de l’Opéra Royal de Wallonie où elle présente les spectacles au public.