Daniel Charneux, Nuage et Eau suivi de Maman Jeanne

CharneuxDaniel Charneux, dans Nuage et Eau, offre de pénétrer tout en douceur et en justesse la philosophie bouddhiste. C’est Ryōkan qui sert de guide dans ce voyage spirituel, car c’est son existence qui est égrenée en quatre-vingt-un courts fragments de vie. Figure aussi attachante qu’atypique, Ryōkan fut très tôt perçu par tous comme un original. Trop réceptif aux mots qu’il croyait à la lettre et rétif à la société, il s’absorba vite dans la lecture et dans l’art de la calligraphie. À dix-sept ans, envahi par le dégoût de la justice humaine, il poussa les portes du temple Koshô et emplit alors chacune de ses respirations des préceptes de Maître Dogen : « Pratiquer la Voie du Bouddha […], c’est s’étudier soi-même. S’étudier soi-même, c’est s’oublier soi-même. S’oublier soi-même, c’est s’éveiller avec toute la Création. » Cela marqua le début d’un patient cheminement vers l’acceptation de l’impermanence. À l’écoute de l’enseignement des maîtres et de la vibration de la nature, il apprit, avec autant de douleur que d’émerveillement, le renoncement et la solitude, et laissa dans son sillage de délicats haïkus et tankas, tel le sublime « Le voleur parti / N’a oublié qu’une chose – / Lune à la fenêtre. »

« C’est dans un cri que nous entrons au monde. C’est dans un cri, parfois, que nous en sortons. Entre les deux, cette souffrance que l’on appelle la vie » Ce constat tiré de la biographie romancée de Ryōkan s’applique avec une intensité sans pareille au destin de Jeanne Blanchard qui, à soixante-quatre ans, est hébergée dans un institut psychiatrique. Tout en maniant son chapelet, cette femme se souvient et évoque avec simplicité cette vie âpre qui ne lui a jamais vraiment appartenu, ce chemin de croix de mère empêchée…

Samia Hammami

Daniel Charneux, Nuage et Eau suivi de Maman Jeanne, postface de Françoise Chatelain, Espace Nord, 2016, 335 p.

 

Lectures pour l'été 2017
Romans, nouvelles et récits romancés

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