Caroline Lamarche, Dans la maison un grand cerf

LamarcheCaroline Lamarche est surtout admirée pour la pureté adamantine de son style et pour la richesse existentielle de ses livres, qui oscillent entre trois formes : le recueil de nouvelles brèves (centrées sur un épisode, raconté pour lui-même, in medias res), le conte (plus ou moins réaliste, plus ou moins érotique) et le roman fragmenté, fait de courts chapitres qui se suivent en gardant une part d’autonomie (l’autonomie maximale se rencontrant dans Le Jour du chien, chaque chapitre y donnant la parole à un narrateur différent ayant aperçu le même chien courant sur l’autoroute).

Dans la maison un grand cerf pourrait être présenté comme une sorte de synthèse de ces différentes formes. En un sens, c’est un texte unique, bref, dense, qui s’ancre sur une scène initiale et qui happe directement le lecteur, tant de nombreux fils narratifs s’y entremêlent rapidement, avec efficacité et délicatesse. Le lecteur est tout de suite emporté dans un tourbillon verbal et émotionnel. Mais, d’un autre point de vue, il s’agit de trois nouvelles qui se suivent, la première (celle que je préfère) est centrée sur la figure du père, la seconde sur celle de l’ancien amant, la troisième sur le souvenir de l’ami décédé. Et les trois parties, comme dans Le Jour du chien, trouvent leur unité dans un thème animalier précis, celui du cerf, qui revient çà et là, métaphoriquement ou dans le récit, accompagné de l’image de saint Hubert ou du motif de la chasse.

Par ailleurs, l’ensemble du texte est soutenu par une réflexion sur l’écriture, l’art, l’argent et la religion. Une phrase à ce sujet a retenu mon attention : « Car si Dieu et la guerre, Dieu et la misère, Dieu et les épidémies coexistaient depuis toujours comme la fiction avec le réel, Dieu et l’argent, non. Comme l'avait dit le Christ, vous ne pouvez avoir deux maîtres, et il avait raison: Dieu et la société de consommation, Dieu et les grandes surfaces, Dieu et les autoroutes, bref Dieu sans plus le moindre mystère [...], ça ne marche pas du tout. »

Ce très beau roman, à la fois fin et fort, délicat et sans concession, maîtrisé et étonnant, cohérent et ouvert, donne à penser et à s’émouvoir. C’est une sorte de littérature concentrée, un concentré de littérature, un concentré de l’œuvre brillante de Caroline Lamarche.

Laurent Demoulin

 

Caroline Lamarche, Dans la maison un grand cerf, Paris, Gallimard, 2017, 136 p.
 

Lectures pour l'été 2017
Romans, nouvelles et récits romancés

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