Lectures pour l'été 2017 - Poches - Polars

Bussi-collectorMichel Bussi, Gravé dans le sable & Le temps est assassin (Pocket)

Après Nymphéas noirs, Un avion sans elles ou N’oublier jamais, Gravé dans le sable, publié une première fois chez un éditeur normand en 2007 sous le titre d’Omaha Crimes, confirme que Michel Bussi est l’un des maîtres du suspens en France. Le 6 juin 1944, des rangers tirent au sort l’ordre de sortie pour aller déposer des explosifs au pied d’une falaise sur une plage normande. Lucky accepte d’échanger son numéro avec le 4 pioché par un soldat poltron, ce qui signifie une mort assurée, contre un pactole qui doit revenir à sa petite amie. Mais ce n’est que vingt ans plus tard que celle-ci apprend l’existence de ce contrat de la bouche d’anciens marines. Avec un détective privé amoureux d’elle, la voilà lancée dans un jeu de piste qui, à partir de Washington, l’envoie dans d’improbables petites villes de l’Amérique profonde. C’est passionnant, riche en surprises et en coups de théâtre, et, surtout, terriblement humain. Car, au-delà de l’intrigue, c’est cette dimension qui intéresse l’auteur.

Bussi

Le décor du Temps est assassin est la Corse. L’été 1989, sur la presqu’île de le Revellata, au nord-ouest de l’île, Clothilde, gothique de 15 ans dont l’idole est Lydia Deetz interprétée par Winona Ryder dans Beetlejuice de Tim Burton, est la seule rescapée de l’accident de voiture dans lequel ont péri ses parents et son frère aîné. Vingt-sept ans plus tard, pour la première fois, elle revient avec son mari et leur fille adolescente sur les lieux du drame, louant un mobil-home dans le même camping des Euproctes. Elle apprend du policier qui a mené l’enquête à l’époque, aujourd’hui retraité, que l’accident pourrait ne pas être un. Elle tente, en vain, d’en savoir plus auprès de son grand-père paternel, sorte de parrain à qui appartient toute la région – hormis une plage où est en train d’être construite une marina de luxe, sans que, manifestement, il ne puisse s’y opposer, lui qui, pourtant, se dit le gardien d’une terre qu’il entend conserver telle quelle. La quadragénaire devenue avocate est en outre confrontée à toute une série de phénomènes incompréhensibles: elle reçoit une lettre dont l’écriture est celle de sa mère, elle trouve un matin le petit déjeuner dressé exactement comme lors de leur dernier matin, etc. En parallèle, nous découvrons le contenu du journal intime tenu par l’adolescente pendant les quinze jours de 1989 qui ont précédé la chute de la voiture dans un ravin, un journal qu’elle avait perdu. Et que celui qui l’a trouvé, ou volé, est en train de lire. Cette construction très ingénieuse, extrêmement bien maîtrisée, envoie le lecteur sur des fausses pistes et des voies de garage, sans que jamais il puisse se douter de l’issue finale.

 

ThilliezFrank Thilliez, Rêver (Pocket)

Dans le nord de la France, trois adolescents ont été enlevés, plus une quatrième fille non identifiée. La seule piste dont disposent les enquêteurs lillois est l’épouvantail retrouvé peu après chaque enlèvement, habillé des vêtements de la victime précédente lacérés à coups de griffes et tâchés de sang. Le kidnappeur a été surnommé Freddy, en référence à Freddy Krueger, le croquemitaine du film de Wes Craven, Les Griffes de la nuit. Ce thriller de Franck Thilliez est enrichi d’une dimension scientifique devenue fréquente chez lui (Syndrome E, Pandemia). Ici, il s’agit d’une maladie du sommeil, la narcolepsie, et de son symptôme majeur, la cataplexie, dont souffre l’héroïne, Abigaël, une psychologue membre de la cellule d’enquête. À tout moment, elle peut non seulement être prise d’une irrépressible envie de dormir mais aussi s’écrouler sur le sol et être incapable de bouger pendant plusieurs minutes tout en étant éveillée et consciente. De plus, elle est souvent incapable de distinguer le rêve de la réalité, au point de se piquer avec une aiguille puis de se brûler le bras avec une cigarette pour savoir si elle rêve ou pas.

L’une des forces de Rêver est sa construction qui entremêle différentes périodes. Afin de permettre au lecteur de s’y retrouver, chaque nouveau chapitre est situé sur une ligne du temps dont les extrémités sont deux événements distants de six mois et liés à Abigaël : d’une part, l’accident de voiture au cours duquel elle a perdu son père et sa fille ; d’autre part, l’incendie d’un lavoir (situé près de Binche) dont on découvre, dans le prologue, qu’elle est prisonnière. Entre ces deux moments, viennent se greffer plusieurs mystères, tels un roman qui semble parler de cette même affaire ou les différents messages mystérieux qu’elle tente de résoudre. Et puis, une autre disparition hante ce roman, celle du chapitre 57. Qui ne peut être lu que sur le site du livre auquel on accède grâce à un code donné dans le cours de l’histoire.

 

IznerClaude Izner, Le pas du renard (10/18)

Pendant une bonne décennie, sous le nom de plume de Claude Izner, Liliane Korb et Laurence Lefèvre, ont raconté douze enquêtes de Victor Legris s’échelonnant entre 1889 et 1900. Sautant par-dessus la Première Guerre mondiale, les deux sœurs ont imaginé une nouvelle série dont Le pas du renard est le premier tome. Le héros est une nouvelle fois un enquêteur amateur, un talentueux pianiste américain de 25 ans. Jeremy Nelson a franchi l’océan pour tenter de retrouver la piste de son père qui a quitté la demeure familiale lorsqu’il avait quatre ans. Ses seules pistes, enfouies dans le sac retrouvé suite au décès de sa mère, sont deux photos avec un texte au verso, une courte lettre et trois adresses. Grâce à la caissière d’un cinéma de quartier, il se fait engager dans un cabaret tenu par une sexagénaire alerte qui loge les artistes se produisant chez elle. Mais à peine Jeremy est-il assis devant son piano, que des morts et des accidents s’accumulent. Lui-même est agressé et retrouve des lettres de menaces dans ses poches. Un même fait divers semble relier ces événements : le mystérieux incendie, trois ans auparavant, de l’immeuble à la place duquel a été construit le petit cinéma.

Ce roman est rythmé par de nombreux morceaux de jazz ou de fox-trot, des chansons de Mistinguett ou de Maurice Chevalier. Et jalonné d’évocations de films de Charlot, Douglas Fairbanks ou Cecil B. DeMille qui triomphent alors sur les écrans. On retrouve aussi, avec gourmandise, le goût des auteures pour la reconstitution historique et sociologique de l’époque : ses habitudes, ses lieux, ses modes vestimentaires et, bien sûr, son langage. Et, surprise !, au cours de cette enquête, il est question de vieilles connaissances, les héros de la série précédente, le trio formé par Victor Legris, Kenji Mori et Joseph Pignot, ainsi que de leur librairie de la rue des Saints-Pères, Elzévir.

 

ManevalÉric Maneval, Retour à la nuit (10/18)

À huit ans, voulant passer à la nage un barrage dans une rivière en crue, Antoine fait une chute qui aurait pu être mortelle. Si un homme, qui se trouvait sur la rive, ne l’avait sauvé, avant de le déposer à l’hôpital et s’en aller. Il s’en est sorti le torse strié de longues griffes qui le quadrillent comme une grille. C’était il y a vingt-cinq ans. Aujourd’hui, il est gardien de nuit dans un foyer pour enfants dans les environs de Limoges accueillant des cas sociaux et des délinquants. Parmi les premiers, Ouria, une jeune fille de dix-sept ans, alternant des épisodes d’anorexie et de boulimie, l’a pris comme confident. Par hasard, Antoine tombe sur un fait divers ancien – le meurtre d’un enfant pour lequel a été condamné un jeune homme qui clame son innocence. Une contre-enquête menée par un journaliste des années plus tard dresse le portrait-robot d’un homme qui se trouvait dans les environs. Et qui ressemble étrangement à celui qui l’a sauvé. Antoine prend alors contact avec le journaliste qui va le conduire vers des policiers pratiquant l’hypnose. Ce premier et bref thriller d’un libraire marseillais, écrit à la première personne, très tendu et particulièrement inquiétant, laisse une fin ouverte. Peut-être trop.

 

FelJérémy Fel, Les loups à leur porte (Rivages poche)

Il est abondamment question d’enfants dans le premier roman du Français Jérémy Fel. Au Kansas, Daryl, 17 ans, en bagarre perpétuelle avec son père, met le feu à la maison de ses parents. Duane, un quadragénaire qui propose ses services à des hommes et femmes aisés, traverse les États-Unis, de New York à Chicago, avec à son bord l’enfant battu de l’avocate qui le louait depuis quelques mois. Claire, revenue dans la demeure familiale des environs d’Annecy suite à la disparition mystérieuse de sa mère, garde pour la nuit l’enfant d’une amie victime de terreurs nocturnes. Diplômée en psychologie, elle s’intéresse au cas de Daryl, jusqu’à aller enquêter sur place. Un certain Walter recherche Scott, le fils adoptif d’un couple de l’Idaho. Un adolescent de la région nantaise, disparu après un match de foot, est retrouvé par un camarade de lycée dans la cave de la remise de son beau-père. D’autres histoires mettant en scène une serveuse de cafétéria en Indiana, une femme trompée qui espionne son mari ou un homme qui se débarrasse du corps de sa femme en Angleterre composent ce roman qui ressemble plutôt à un recueil de nouvelles, la plupart de ces histoires n’ayant pas de liens entre elles. Des faits divers glaçants dont le fil serait la violence dont sont capables les hommes – et les femmes.

 

AntoineAmélie Antoine, Fidèle au poste (Le Livre de Poche)

L’expression « coup de théâtre » convient parfaitement à ce premier roman d’Amélie Antoine. Ses héros sont deux trentenaires qui, après leur mariage trois ans auparavant, ont quitté Paris pour venir vivre à Saint-Malo. Au début de l’histoire, Chloé se noie, ce qui plonge Gabriel dans un désespoir profond. Le réconfort, il le trouve auprès d’une association locale, Traverser le Deuil. Et plus spécifiquement auprès d’Emma, une photographe qui, en attendant de pouvoir arpenter la planète, travaille pour l’office du tourisme. Si cette jeune femme est tout le contraire de la défunte, moins sophistiquée, moins snob, moins jolie aussi peut-être, elle ne laisse pourtant pas le veuf indifférent. Ces différents protagonistes, autour desquels gravitent d’autres personnages (un ancien amoureux, les familles, etc.), prennent alternativement la parole. Y compris la morte, constatant, non sans jalousie, que son amoureux pourrait bien chavirer. Et puis tout d’un coup… Effet de surprise garanti ! Faute de trouver un éditeur, Fidèle au poste a d’abord été autoédité avec succès par Amazon (20 000 exemplaires numériques vendus) avant d’être repéré par Michel Lafon, qui a ainsi rattrapé l’aveuglement de ses confrères.

 

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