Lectures pour l'été 2017 - Poches - Polars

KonateMoussa Konaté, L’affaire des coupeurs de têtes (Points)

À Kita, à trois jours d’intervalle, trois mendiants sont retrouvés décapités. Un ou deux autres vont suivre. Rencontrés dans Meurtres à Tombouctou, le commissaire Habib, dont Kita est la ville natale (ainsi que celle de l’auteur), et son adjoint Sosso, un Bambara (ce qui n’est pas sans importance), sont envoyés en renfort du commissaire local dépassé par la situation. D’autant plus qu’une partie de la population en appelle à l’esprit des ancêtres. Pour eux, le coupable, c’est l’argent-roi et la « dérive » de la cité qui déplaît aux esprits auxquels, après avoir reconnu ses torts, il faut présenter ses excuses. Le policier doit prendre en compte cet irrationnel, qui finit par toucher presque toutes les couches de la population, et qu’il ne veut pas heurter car il en connaît bien la prégnance. Tout en menant son enquête, nettement plus prosaïque. Dans ce livre plein d’humour et de sagesse, où il est notamment question du pouvoir sexuel des bananes, on croise toute une série de personnages admirablement croqués, un fou et son coupe-coupe, sorte de coupable idéal, quelques notables affairistes et autres figures locales. Ce roman à l’écriture presque feutrée est le dernier de l’écrivain malien mort en 2013.

 

LeBretonBeckerLebrunFrench Pulp Éditions

Née l’an dernier, cette maison d’édition entend donner une nouvelle vie à des polars français oubliés. Entre 1957 et 1959, sous le pseudonyme de Benoît Becker, Jean-Claude Carrière a publié, au Fleuve Noir, six tomes de Frankenstein, une série prolongeant le chef-d’œuvre de Mary Shelley en faisant vivre de nouvelles aventures à son héros. French Pulp permet également à des écrivains célèbres en leur temps, mais dont les livres sont épuisés, de toucher de nouvelles générations de lecteurs. Tels Francis Ryck (1920-2007), dont une grande partie de l’œuvre a paru sous les couleurs noir et jaune de la Série Noire, avec Paris va mourir ou Drôle de pistolet (devenu Le Silencieux au cinéma), Auguste le Breton (1913-1999) avec Du Rififi à New York, Michel Lebrun (1930-1996) et Le Géant, un polar sociologique sur fond de l’arrivée des grandes surfaces dans des petites villes écrit en 1979. Ou encore le moins connu Pierre Nemours (1920-1982), un auteur pourtant extrêmement prolifique dont est repris Le gang des honnêtes gens paru 1970. À noter aussi la réédition des premiers tomes de La Compagnie des Glaces (qui en compte 98 !) de G.-J. Arnaud, la plus longue série de science-fiction jamais écrite par un seul auteur.

 

 

 

IndridasonIndridason-lagonArnaldur Indridason, Opération Napoléon & Le lagon noir (Points)

Opération Napoléon est un passionnant hors-série de l’auteur islandais paru en 1999 dans son pays, après les deux premières enquêtes du commissaire Erlendur Sveinsson (non traduites en français). En 1945, des militaires américains tentent de retrouver un bombardier allemand qui s’est écrasé quelques jours plus tôt contre le glacier Vatnajökull, le plus grand d’Europe situé au sud-est de l’île. Mais leurs recherches restent vaines. Un demi-siècle plus tard, dans le plus grand secret, une autre équipe revient avec le même projet. Où allait cet avion qui aurait contenu l’or nazi ? Une avocate, dont le frère s’est trouvé là au mauvais moment, va être amenée à découvrir un mystère qui rappelle le rôle parfois trouble des Américains à la fin de la guerre. Le tout sur fond des prémisses de la Guerre froide.

Le Lagon noir est la deuxième enquête du tout jeune inspecteur Erlendur après Les Nuits de Reykjavik (mais écrite après toutes les autres). L’homme repêché en 1979 est un ingénieur travaillant sur la base aéroportuaire tenue par les Américains qui refusent de laisser la police islandaise enquêter. Pas de quoi décourager le héros très hostile à cette présence. Tout en travaillant sur une vieille affaire de disparition, il fait son devoir de policier. Une fois encore, avec un réel brio et humanité, l’auteur de La Cité des Jarres fait ressortir des fantômes dont son île est encombrée.

Traduits de l’islandais par Éric Boury

 

ThoraninssonArni Thorarinsson, Le crime (Points)

Autre pointure du polar islandais, l’auteur de L’Ombre des chats ou du Dresseur d’insectes a pris soin de sous-titrer ce bref roman « Histoire d’amour ». En effet, il s’agit moins d’un roman policier que d’un drame familial. Frida affirme haïr ses parents qui se sont séparés lorsqu’elle avait huit ans, la plaçant chez ses grands-parents. Ils lui ont promis de lui en révéler les raison à ses dix-huit ans. Ce jour est arrivé. Mais le père, psychologue qui culpabilise, et désespère face à des institutions et à une société qui tombent « en ruine », n’ose pas. Et la mère, alcoolique et abrutie de médicaments, le fait par le biais d’une lettre. Qui commence par ces mots : « Tu as été conçue en plein bonheur, par la grâce du bonheur. » Alors, que s’est-il passé ? Le mystère est progressivement levé au cours de ce bref roman, très dense

Traduit de l’islandais par Éric Boury.

 

 

nesboJo Nesbø, Fantôme (Folio Policier)

De la littérature policière norvégienne, qui ne jouit pas en français de la même popularité que la suédoise ou l’islandaise, Jo Nesbø (né en 1960) est le plus célèbre et brillant représentant. Fantôme est la neuvième enquête de Harry Hole depuis L’Homme chauve-souris traduit en 2002. Après un détour par Hong Kong, où cet ex-inspecteur était allé soigner sa déprime consécutive à sa rupture amoureuse, puis par le Congo, où il était parti sur la trace d’un tueur en série, voici le pas toujours fringant enquêteur de retour à Oslo. Il retrouve une ville profondément changée, livrée aux trafiquants de drogue. La drogue, et notamment une nouvelle venue, la fioline, est le fil rouge de cette intrigue qui implique douloureusement son héros puisqu’Oleg, le fils de la femme qu’il aime, se voit impliqué dans le meurtre d’un dealer. Fantôme offre une plongée vertigineuse au cœur d’une cité que l’auteur montre sous ses atours les moins seyants. Signalons que ce roman existe aussi sur un CD audio lu par Frédéric Dimnet : 15h30 d’écoute! (Gallimard / Écoutez Lire).

Traduit du suédois par Paul Dott.

 

EdwardsonÅke Edwardson, La maison au bout du monde (10/18)

Le polar, peut-être plus que d’autres genres littéraires, au-delà de l’intrigue et du suspense, constitue en général une formidable plongée sociologique dans la ville ou le pays où il se déroule. C’est le cas avec cette Maison au bout du monde. Erik Winter, le héros récurrent de l’auteur suédois Åke Edwardson, revient au pays après deux ans passés en Espagne, où il a failli mourir au fond d’une piscine (depuis il souffre d’acouphènes) et où il a laissé sa femme et ses deux filles. Quittant la chaleur du sud pour le froid nordique, il enquête sur le meurtre d’une femme et ses deux enfants. Il retrouve un pays qui a bien changé, qu’il n’est pas sûr de reconnaître, où le modèle social-démocrate tant vanté prend eau de toutes parts avec la montée du racisme et de l’extrémisme. Et puis, il a vieilli, et il le ressent.

Traduit du suédois par Rémy Cassaigne

 

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