Lectures pour l'été 2017 - Poches - Polars

BourcyThierry Bourcy et François-Henri Soulié, Le Songe de l’astronome et La Conspiration du Globe(10/18)

L’un est romancier et scénariste, Thierry Bourcy, l’autre homme de théâtre, François-Henri Soulié, et ensemble, ils ont créé une série qui se déroule au début du 17e siècle. À chaque fois, ils plongent des personnages historiques et fictionnels au cœur d’une période historique qu’ils restituent à merveille, dans ses mœurs et croyances notamment. Prague en 1601 sert de cadre au Songe de l’astronome, un huis-clos dont les protagonistes sont, entre autres, Tycho Brahe, l’un des plus célèbres astronomes de l’histoire, leBourcy-globe peintre anversois Bartholomeus Spranger, le médecin et alchimiste allemand Michael Maier ou l’inquisiteur Roberto Bellarmin, celui-là même qui a envoyé Giordano Bruno au bûcher. Invités pour une  grande réception par l’empereur Rodolphe II de Habsbourg dans son château, ils sont confrontés à une série de morts suspectes. Kassov, le capitaine de ses gardes et son neveu mènent l’enquête.

Les protagonistes de La Conspiration du Globe, qui se passe à Londres en 1603, sont, eux aussi, bien connus, mais sur un autre terrain, puisqu’ils ont pour nom Rosencrantz et Guildenstern. De ces deux émissaires envoyés par le roi du Dannemark pour négocier avec Élisabeth 1re, Shakespeare a fait des personnages de la pièce qu’il vient d’écrire, Hamlet. Or les deux acteurs interprétant leurs rôles sont retrouvés assassinés. Par le biais de l’enquête menée par le capitaine Kassov, que la reine a fait venir de Prague, les auteurs font revivre le célèbre théâtre shakespearien.  Dans ce roman à énigmes, on est très loin du polar actuel qui aime le gore et le sanguinolent. C’est ce qui fait son charme un peu old school et rend sa lecture si plaisante. Et nettement moins stressante.

 

GrangéJean-Christophe Grangé, Lontano (Le Livre de Poche)

Jean-Christophe Grangé, qui dit avoir la violence et la cruauté en horreur, s’en donne pourtant à cœur joie dans ses thrillers. Et celui-ci, son onzième depuis 1994, ne déroge pas à la règle. Au centre de Lontano, il y a une famille : un père, une mère, deux fils et une fille. Mais non seulement ils se détestent tous, mais aucun d’entre eux n’est vraiment franc du collier. Grégoire Morvan, 67 ans, adore ses enfants et ferait tout pour eux. C’est son unique faiblesse et son seul côté sympathique. Surnommé Le Fossoyeur, ce triste symbole de la Françafrique a connu tous les présidents et gouvernements, conservant son bureau Place Beauvau, au Ministère de l’Intérieur. Et il bat sa femme, Maggie. Qui, comme on finit par s’en rendre compte, est faussement soumise et est également dépositaire de certains secrets. Loïc, le cadet, est une sorte de trader cocaïnomane, et bouddhiste. La benjamine, Gaëlle, veut être actrice, peu importe dans quel genre de films, et est ravie à participer à des soirées très libertines pourvu que ça « emmerde » son père. Le seul de la tribu à peu près normal est l’aîné, Erwan, devenu un flic irréprochable. Il est envoyé en Bretagne pour un bizutage qui a mal tourné dans une école militaire. Un étudiant de première année, qui participait à ce rite initiatique particulièrement gratiné, a été retrouvé dans une ruine de l’autre côté du bras d’eau. Enfin, retrouvé… Son corps est éparpillé « façon puzzle », l’armée se livrant justement cette nuit-là à un exercice de tir sur ce bâtiment abandonné. Évidemment, Erwann ne croit pas à cette version et, en d’incessants allers-retours entre la côte bretonne et Paris, il ne va pas ménager sa sueur pour qu’éclate la vérité. Et pendant ce temps, son paternel tente de savoir qui veut faire une OPA sur les mines africaines de coltan dont il est copropriétaire.

 

ColizePaul Colize, Concerto pour 4 mains (Pocket)

D’un côté, le « braquage du siècle » : cent vingt caisses de diamants bruts ont été subtilisées à l’aéroport de Zaventem lors de leur débarquement de l’avion affrété par une compagnie suisse. De l’autre, une tentative de cambriolage minable dans un bureau de poste bruxellois. Pour le premier, on soupçonne Franck Jammet, braqueur de légende et pianiste virtuose, une sorte de gentleman cambrioleur à l’ancienne (le polar a d’ailleurs reçu le prix Arsène Lupin), qui affirme pourtant être rangé des voitures. Et dont on découvre la « carrière » par flash-backs. Pour le second, on a arrêté un jeune Belge, fils de parents algériens épiciers à Ixelles. À la demande de son père, et après avoir d’abord refusé, il accepte d’être défendu par un avocat réputé, Jean Villemont (par ailleurs le narrateur de ces chapitres). Cet humaniste qui plaide pour qu’on s’attaque à la racine de la délinquance, s’entend souvent demander, à l’instar de tous les pénalistes, comment il peut « défendre une crapule pareille ». Visionnant la vidéo de la poste, il se rend compte que pas mal de choses ne collent pas dans le comportement de son client. Par exemple, le fait qu’il passe un coup de fil pendant qu’il surveille (à peine) ses otages et qu’ensuite, il sorte sans emporter d’argent. Le reste est à découvrir dans ce roman impeccable, à l’écriture très soignée, signé par un auteur bruxellois né en 1953 et considéré comme l’un des maîtres du genre.

 

LebelNicolas Lebel, Sans pitié, ni remords (Le Livre de Poche)

En 2003, à Paris, le MAAO (Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie) ferme ses porte et une partie de ses collections intègrent le nouveau musée des Arts premiers, quai Branly. Dans son troisième polar, Nicolas Lebel imagine que, pendant l’inventaire, des employés détournent des objets d’une valeur de quatre millions d’euros. Or l’un des diamants volés réapparaît en 2014 dans une enveloppe léguée à sa mort par un policier à son collègue, Mehrlicht, héros récurrent de l’auteur. Qui, ne pouvant croire à la culpabilité de son ami, accepte de mener l’enquête aux côtés du capitaine Kabongo de l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels. Au même moment, ces employés indélicats sont successivement retrouvés pendus ou défenestrés. Pourquoi, douze ans plus tard, deux anciens légionnaires, un Corse et un Russe, sont-ils revenus faire le ménage? Placé sous le patronage de Baudelaire, dont des vers introduisent les chapitres et auquel il doit son titre, Sans pitié ni remords entraîne le lecteur dans un jeu de piste diablement bien conçu. Et d’autant plus épicé que le défunt, fan de mots fléchés, a laissé de judicieux messages codés que tentent de résoudre les policiers.

 

LucovichJean-Pierre de Lucovich, Satan habite au 21 (10/18)

Jean-Pierre de Lucovich aime la période de l’Occupation. Dans son premier roman, Occupe-toi d’Arletty, l’immortelle Garance des Enfants du paradis, dont la conduite n’a pas été absolument irréprochable ces années-là, recevait des petits cercueils bien peu chaleureux. Dans cette deuxième enquête de Jérôme Dracéna, c’est un autre personnage historique, mais d’un tout autre genre, qui défraie la chronique : le docteur Petiot. En ce 11 mars 1944, dans la cave de sa maison en flammes située 21 rue Le Sueur, les pompiers découvrent vingt-sept corps dissous dans de la chaux vive. On le sait, celui qui sera guillotiné en mai 1946, aidé par deux recruteurs, faisait venir chez lui des candidat(e)s à l’exil, qu’il dépouillait avant de les incinérer. L’ancien policier devenu détective privé, qui a ses entrées partout dans ce Paris interlope où fricotent officiers allemands, collabos et malfrats de tous poils, se lance à la poursuite de ce « Dr Satan », comme le surnomme la presse. L’auteur, un ancien journaliste, connaît par cœur son sujet. Il raconte cette époque comme s’il l’avait vécue, décrit avec gourmandise la topographie de la ville dans les pas de son héros, et se fait un historien passionné, et passionnant, de son versant culturel : le music-hall, le théâtre, mais surtout le cinéma, nommant les films projetés et leurs acteurs vedettes (dont Arletty, évidemment).

 

LenormandFrédéric Lenormand, Docteur Voltaire et Mister Hyde (Le Masque) et Qui en veut au marquis de Sade? (J’ai Lu).

Depuis vingt-cinq ans, Frédéric Lenormand écrit des romans policiers historiques et humoristiques qui se passent à Venise ou dont les héros s’appellent tantôt le juge Ti (emprunté à Robert van Gulik), tantôt Voltaire. Dans le sixième épisode de ses enquêtes, Docteur Voltaire et Mister Hyde, le célèbre philosophe est, semble-t-il, menacé de mort. Après avoir été sauvé de la noyade par le futur naturaliste Buffon, il revient à Paris touché par la peste en compagnie d’Edmund Hyde, baronet of Jek’Hill. Où il retrouve son frère.

Lenormand-Sade

Parallèlement, l’auteur de la série pour ados L’Orphelin de la Bastille crée une nouvelle héroïne, Laure de Sade, dont la première enquête, Qui en veut au marquis de Sade ?, sort directement en poche. Emprisonné à la Bastille, le sulfureux écrivain est transféré à l’hospice de Charenton dix jours avant la prise de la forteresse le 14 juillet 1789. Mais il y a laissé ses précieux manuscrits que sa fille tente de récupérer, tout en voyageant en aérostat et en essayant d’échapper à un tueur particulièrement… sadique. On retrouve, dans cette nouvelle aventure les marques de fabrique de Lenormand : un humour en roue libre et une attention particulière portée à la vie quotidienne de l’époque.

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