Lectures pour l'été 2017 - Poches - Littérature française

DaudetLucien Daudet, Le Prince des Cravates (La Petite Vermillon)

Si on connaît encore le nom de Lucien Daudet aujourd’hui, c’est principalement grâce à la solide amitié qui l’a lié à Marcel Proust. Pourtant, à l’instar de son père Alphonse et de son frère aîné Léon, cet être intelligent, beau et extrêmement sensible, selon les témoignages de l’époque, a écrit quelques livres, notamment des romans et des évocations de son enfance jamais réédités. Cette longue nouvelle, d’abord intitulée Une réponse imprévue, paraît le 1er août 1908 (son auteur a 30 ans) dans Le Mercure de France. Le « Prince des cravates »  est Albert Salvage, une jeune riche oisif et orphelin qui, au sortir du service militaire, est invité en Angleterre par des amis de ses parents. Il s’éprend de la maîtresse de maison avec qui il a une aventure. Mais, après son retour, des mois vont passer sans qu’ils ne se revoient, et lorsqu’ils se retrouvent enfin, la belle ne l’est plus vraiment. Et c’est sur sa fille que le jeune dandy jette son dévolu. Jusqu’à prétendre l’épouser. Ce texte léger et plein d’humour est suivi de plusieurs annexes, dont la critique écrite par Proust dans L’Intransigeant et l’article consacré par Lucien Daudet, en 1913, à Du côté de chez Swann.

 

DidierlaurentJean-Paul Didierlaurent, Le reste de leur vie (Folio)

Avec son premier roman paru en 2014, Jean-Paul Didierlaurent, auteur de plusieurs nouvelles primées ici et là, a touché le jackpot : Le lecteur du 6h27 s’est en effet vendu à plus de 65 000 exemplaires en grand format, 200 000 en Folio, il est traduit dans trente pays et serait en cours d’adaptation au cinéma. Le charme opère de nouveau dans ce deuxième roman, l’auteur témoignant à l’égard de ses différents personnages une même générosité communicative. À Guylain, employé d’une société qui envoie les livres au pilon, succède Ambroise, devenu thanatopracteur contre la volonté de son père, prestigieux cancérologue, prix Nobel de Médecine, furieux que son rejeton préfère s’intéresser aux morts plutôt qu’aux vivants. Le jeune homme met tout son amour et toute son âme dans ses gestes, afin de rendre beau le défunt, d’éviter à ceux qui restent « d’avoir à regarder la mort en face dans ce qu’elle a de plus répugnant ». Il est l’un des héros du roman. L’autre, Manelle, est une jeune aide à domicile pour des personnes âgées vivant seules. La première partie du roman décrit avec minutie leurs activités respectives. Évidemment, ces deux solitaires vont se rencontrer grâce à Simon, un octogénaire atteint d’un cancer chez qui Manelle travaille et qui a demandé à Ambroise d’aller chercher le corps de son jumeau mort en Suisse. Beth, la grand-mère du praticien, fait également partie de cette équipée croquignolesque contée avec humour et allégresse.

 

VinauThomas Vinau, La part des nuages (10/18)

Ce très bref roman aurait pu s’appeler : comment vivre sans Noé ? Son narrateur, Joseph, 37 ans, est le père d’une enfant, Noé donc, parti chez sa mère. Pour tuer le temps en son absence, il ne fait rien. Ou à peu près. Il regarde un papillon de nuit. Boit du rosé. Fait des courses. Egrène les choses dont il a été fier. Relis l’un des albums de la série BD Rahan. Monte sur un arbre d’où il aperçoit le vieux chien du voisin qui « défèque » ou la fille de la voisine qui fait ses gammes à la flûte traversière. Il donne un billet à un mendiant qu’il retrouve plus tard à la pizzeria du parking et qu’il suit sur le toit de l’église. Et puis Noé finit par revenir. Tout est, ici, dans l’écriture. Des mots économes, précis et poétiques qui, dans leur banalité même, traduisent a vie intérieure du personnage, ses doutes, ses angoisses, ses peurs. Ce texte magnifique est composé de six parties respectivement placées sous le parrainage de Richard Brautigan (pour le titre), Malcolm Lowry, Fernando Pessoa, Thierry Metz, Jean-Claude Pirotte et Benjamin Péret. Il s’agit de  la troisième fiction d’un auteur qui a publié de nombreux recueils de poésie.

 

LimetYun Sun Limet, Les candidats (Espace Nord)

Née à Séoul et adoptée à 3 ans par une famille belge de Beauraing, Yun Sun Limet a suivi des études de Lettres à Namur et Louvain-la-Neuve puis de cinéma à l’ULB. Elle a écrit une thèse sur Maurice Blanchot et a travaillé cinq ans chez Fayard avant de publier en janvier 2004 son premier roman, Les Candidats, couronné par la Communauté française. Après la mort de leurs parents, deux enfants sont confiés à des couples amis des défunts qui, pour des raisons diverses que nous découvrons progressivement, et contre leur envie de départ, se défaussent les uns après les autres. Un texte exceptionnel par sa maturité d’écriture et de contenu qui amène, une fois de plus, à s’interroger sur la cécité des maisons d’édition, le manuscrit ayant été en effet refusé par plusieurs éditeurs.

 

GrandCorpsMaladeGrand Corps Malade, Patients (Points)

Dans Patients,  Grand Corps Malade parle pour la première fois des mois passés dans un centre de rééducation suite à la fracture d’une vertèbre cervicale provoquée par un plongeon dans une piscine trop peu profonde en juillet 1997. Tétraplégique incomplet, pouvant bouger quelques parties de son corps, il fera mentir  les médecins qui avaient annoncé à ses parents qu’il ne remarcherait pas. « Ce fut une période extrêmement dense, pleine de rencontres incroyables », commente-t-il. Il dresse le portrait des autres patients, qui n’hésitent pas à se charrier, et du personnel soignant, se souvient d’anecdotes, de moments drôles ou graves, voire surréalistes. Il raconte ce qu’est le manque d’autonomie, comment on vit au quotidien d’être obligé de se faire assister pour les gestes les plus simples - manger, s’habiller, se laver, aller aux toilettes –, par quelqu’un que l’on ne connaît pas. De cette partie de sa vie, le slammeur a fait un film sorti l’an dernier.

 

LocandroCatherine Locandro, L’histoire d’un amour (Pocket)

Ce bref roman évoque une très brève histoire d’amour, très secrète aussi: celle entretenue clandestinement entre un jeune homme de 22 ans et une chanteuse à succès de deux fois son âge et jamais nommée (et dont on apprend l'identité en fin de volume). En 1967, Luca, jeune romain pauvre, tombe amoureux de «la Chanteuse» qui le prend sous sa protection. Lorsqu’après quelques mois, elle met fin à cette relation, elle insiste pour lui payer des études. En 1995, celui qui est devenu prof découvre son prénom dans une biographie écrite par le frère de l’artiste. Se rouvre ainsi une plaie jamais vraiment cicatrisée. Un texte court et délicat, l’auteure s’attachant davantage aux ressentis des personnages qu’à l’anecdote.

 

PerrignonJudith Perrignon, Victor Hugo vient de mourir (Pocket)

Dans Victor Hugo vient de mourir, d’une écriture belle et finement travaillée, Judith Perrignon raconte l’émoi provoqué dans Paris par la mort du grand homme, défenseur de la liberté et des opprimés. Passant d’un personnage à un autre, elle met principalement face à face la classe bourgeoise, défendue par la police qui craint les émeutes, et le peuple « de gauche » qui entend rendre hommage à celui qui l’a représenté ou a été son porte-voix. La République organise des funérailles nationales un lundi afin que les ouvriers ne puissent en être. Funérailles dont veulent profiter les anarchistes pour faire la révolution. Ce livre riche par sa documentation mais aussi par l’émotion qui s’en dégage a reçu le Prix Révélation de la Société des Gens de Lettres.

 

 

 

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