Lectures pour l'été 2017 - Poches - Littérature française

GaryRomain Gary, Le vin des morts (Folio)

À l’occasion du centenaire de la naissance de Romain Gary (le 8 mai 1914), Gallimard a publié son tout premier opus resté inédit, Le Vin des morts, écrit sous son vrai nom, Roman Kacew. Il s’agit de l’errance, contée sous la forme d’une suite de scènes drôles et extravagantes, d’un certain Tulipe tombé dans les souterrains d’un cimetière et qui, croisant une multitude de morts plus cocasses que redoutables, cherche désespérément la sortie. Dans sa présentation, Philippe Brenet explique avoir trouvé des traces de ce roman farfelu et inventif, écrit entre 1933 et 1937, dans les livres à venir de son auteur signés Ajar. Et il raconte que le futur diplomate et prix Goncourt a offert le manuscrit, refusé par Gallimard et Denoël, à Christel Söderlund, une jeune journaliste suédoise rencontrée à Nice en 1937.

 

DeDuvePascal de Duve, Izo (Espace Nord)

« C’est par un bel après-midi d’été qu’il amerrit, tout doucement, sur l’océan placide de ma paisible existence. » Dans son premier roman, paru en 1990, trois ans avant sa mort du sida, Pascal de Duve donne vie à « l’inconnu le plus illustre », l’homme au chapeau melon des tableaux de Magritte. En lui attribuant un nom russe, Izobretenikhoudojnika, qui signifie « né de l’imagination d’un peintre ». Izo est le récit de son bref passage sur Terre, à Paris précisément. Cet être neuf et vierge de tout passé, répète docilement ce qu’il entend et apprend à toute vitesse ce que tout être normal mettrait plusieurs vies à emmagasiner, notamment les langues étrangères. Avec un Chinois, il parle chinois sans accent. Dans une soirée mondaine, il devient mondain, populaire dans un caberdouche. Il passe du christianisme au bouddhisme, avant d’être musulman, communiste, agnostique, etc. Il devient progressivement plus humain que les humains. À sa sortie, ce roman plein d’humour et de clins d’œil malicieux qu’il convient de (re)découvrir, écrit un été à Paris, a bénéficié d’une double promotion. Sa couverture a été placardée à la fois dans le métro parisien, que fréquente assidûment son héros, et dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, où il fait de nombreuses haltes.

 

Mathieu-DaudeAgnès Mathieu-Daudé, Un marin chilien (Folio)

S le héros d’Un marin chilien est bien Chilien, il n’est en aucun cas marin. Même si c’est ce que croient les Islandais qui le voient débarquer sur leur île. Il est en réalité vulcanologue et vient étudier la situation éruptive d’un volcan du nord du territoire. Tombant amoureux de la serveuse du café où il est entré en quête de renseignements, il n’est dès lors guère aimé de son ancien mari qui, un soir de beuverie, parvient à lui vendre une usine désaffectée. Un homme assez brutal qui n’est autre que le frère de celui qui, à la tête d’une compagnie d’adolescents, vit dans une ferme isolée au pied du volcan que le scientifique est venu étudier. Tout est assez étrange dans ce très réussi premier roman d’Agnès Mathieu-Daudé. Un roman qui pourrait être écrit par un(e) Islandais(e), tant la réalité locale, la mentalité des habitants, leur existence quotidienne ou les particularités géographiques de l’ile semblent conformes à une réalité découverte dans les nombreux auteurs islandais traduits en français.

 

AssoulinePierre Assouline, Golem (Folio)

« I’m a maaaan! I’m not an animal ! » Comme le malheureux héros d’Elephant Man, Gustave Meyer refuse d’être le monstre que, pourtant, il est convaincu être devenu. Un neurologue réputé, son plus vieil ami, qui le soignait pour des troubles épileptiques, a en effet, à son insu, implanté dans son cerveau une électrode décuplant sa puissance mémorielle tout en accroissant sa capacité de traitement des informations. Ce bricolage illégal, s’il a fait de lui le champion du monde des échecs capable de battre un ordinateur, l’a transformé en Golem, un être fait d’argile appartenant à la mythologie juive. Ces manipulations sont défendues par un mouvement international, le transhumanisme. Suspecté d’être à l’origine de l’accident de voiture qui a coûté la vie à sa femme, Gustave Meyer prend la fuite. Après un passage par l’Angleterre, où il assiste à une rencontre internationale de « trans », il se lance dans une traversée de la Mitteleuropa. Il veut « fouiller la généalogie des golems », « retrouver son autre famille » dans ses capitales qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont vu disparaître la civilisation juive. Pendant son errance, le blog médical que tenait sa femme continue d’être alimenté par des « révélations d’outre-tombe » sur le transhumanisme, générant un abondant forum. La lecture de Golem, roman fiévreux qui, sur fond d’enquête, distille des éléments sur un sujet brûlant, ne manque pas d’inquiéter. « Mon roman n’est pas de la science-fiction, commente l’écrivain-bloggeur. L’opération que je décris se pratique à des fins thérapeutiques depuis vingt-cinq ans. Les principaux financiers du transhumanisme et de l’intelligence artificielle sont la Nasa, Amazon, Google, Microsoft, c’est écrit sur le site de l’université de la Singularité fondée par le futurologue transhumaniste Ray Kurzweil. C’est dire les moyens dont ce mouvement dispose. »

 

loevenbruckHenri Loevenbruck, Nous rêvions juste de liberté (Le Livre de Poche)

La lecture, et surtout la fin, du nouveau roman d’Henri Loevenbruck est un véritable coup de poing à l’estomac! On sort le souffle coupé de cette dérive à moto au cœur d’une Amérique fantasmée décrite dans un style qui surprendra les très nombreux lecteurs de l’auteur de romans d’héroïc-fantasy (La Moïra, Gallica) et de thrillers historiques et ésotériques (Le Rasoir d’Ockham, Les Cathédrales du vide, Le Mystère Fulcanelli, L'apothicaire). Son titre, Nous rêvions juste de liberté, est la phrase que lance le narrateur à son juge. Avant de raconter comment il en est arrivé là. Hugo, 16 ans, rejeté de partout pour mauvaise conduite, est parachuté dans un lycée catholique du centre-ville de Providence. Il devient l’ami de Freddy, le pire bagarreur du coin, qui forme une bande avec Carlos, alias Le Chinois, et Alex, dit La fouine. Ce ne sont pas des anges, et bientôt ils se retrouvent en centre de détention pour mineurs. C’est là qu’Hugo, devenu Bohem, croise le chemin des 1%, ces motards qui ont choisi de vivre en marge de la société. Rendu à la liberté, il monte sur son chopper et largue les amarres, direction Vernon où vit le frère aîné d’Alex. Ainsi commence un périple qui mènera ses héros au cœur d’un monde formé d’hommes – et plus rarement de femmes – qui, sans attaches, grimpés sur leurs bécanes, parcourent d’immenses étendues. Avec comme seuls éventuels points de chute, les Motorcycle Clubs essaimés sur le territoire. Au leur, qui ne va cesser de s’étoffer, ils donnent le nom de Spitfires, en souvenir des aventures de Biggles dont Hugo et Alex étaient des lecteurs assidus.  Ces motards, Henri Loevenbruck les a connus. Et une partie des événements racontés dans le roman, il les a vécus vers 16-17 ans.

 

CosséLaurence Cossé, La grande arche (Folio - parution : 24 août)

La Grande Arche raconte, par le menu, l’histoire de la création de la Grande Arche de la Fraternité (c’est son nom officiel) dans le quartier de la Défense. Une histoire qui méritait d’être racontée tant elle est rocambolesque, pleine de rebondissements et de coups de théâtre. Premier étape: le choix du projet. Quatre finalistes sont retenus parmi les 424 dossiers arrivés (sur 897 inscrits). Tous anonymes. Le gagnant est un architecte danois totalement inconnu (y compris dans son pays), Johan Otto von Spreckelsen. Son Cube (c’est ainsi qu’il l’appelle) est préféré, par François Mitterrand (ainsi que par Robert Lion, l’organisateur du concours) au Mur de lumières des Français Viguier et Jodry choisi par le jury. De nombreuses questions vont rapidement se poser. Que mettre dans l’Arche et ses 80000 m² de bureaux ? Et notamment dans son toit, l’espace le plus convoité ? Il sera question d’un Centre international de la Communication, puis d’une Fondation internationale des droits de l’homme. Au cœur de l’été 1983, une simulation est réalisée par le levage d’une maquette du toit de dix tonnes.

Suites aux élections législatives de 1986 perdues par la gauche, Alain Juppé, ministre du Budget, ne pense qu’en termes d’économies. Comme il n’est plus possible d’arrêter les travaux, c’est la question de son occupation qui devient prioritaire. Va alors se jouer une guerre d’usure entre les différents responsables du projet et Christian Pellerin, promoteur immobilier qui, à la fin des années 70, a été l’un des seuls à croire en la Défense où il a fait construire plusieurs immeubles. Cette évolution déplaît fortement à « Spreck ». Déjà, les « nuages cristallins » à l’intérieur et de part et d’autre de l’Arche figurant dans son projet initial ont disparu. Et au fil des mois et des tractations, il a vu son ambition humaniste – « Un art de Triomphe moderne à la gloire du triomphe de l’humanité » - remplacée par une dimension commerciale. Le coup de grâce est la « densification des Collines », soit la construction, autour de l’Arche, de buildings plus nombreux et plus hauts que prévus. Il fait plusieurs contre-propositions, toutes refusées, et de guerre lasse, en juin 1986, il démissionne. Rentré au Dannemark, il ne veut plus rien savoir et meurt le 16 mars de l’année suivante. Ainsi, il n’aura pas vu l’inauguration de son Arche le 18 juillet 1989 dans le cadre de la célébration du bicentenaire de la Révolution française.

 

NimierMarie Nimier, La Plage (Folio)

Ils sont trois. L’inconnue, arrivée sur la plage déserte à l’extrémité d’une île où elle est venue deux ans auparavant avec son compagnon d’alors. Mais la grotte où ils se sont aimés, et dont elle aurait voulu profiter seule afin de laisser affluer les souvenirs de ce temps désormais révolu, est occupée par un homme et une jeune adolescente. Dissimulée dans les rochers, se nourrissant des maigres aliments et sodas trouvés dans la buvette laissée à l’abandon suite à un glissement de terrain, elle observe de loin cet étrange couple retranché comme elle à l’abri des hommes. Avant de se faire connaître et d’apprendre que, séparé de sa femme, le « colosse », comme elle l’appelle, passe des vacances avec sa fille qui refuse de grandir. Sur cette trame minimaliste, Marie Nimier (La Reine du silence, Les inséparables, Photo-photo) signé un bref roman subtilement envoutant, d’une grande richesse émotionnelle. Son écriture, d’une limpidité travaillée, parvient à magnifiquement décrire les joies et tourments intérieurs qui habitent son héroïne sans nom et dont, finalement, on ne sait pas grand-chose. Sinon qu’elle a été élevée par son père qu’elle n’a plus vu depuis deux ans. Mais avec qui elle entend désormais renouer des liens.

Page : previous 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 next