L’Orchestre philharmonique royal de Liège ajoute un titre à sa discographie avec la publication d’un CD réunissant des œuvres du compositeur liégeois Joseph Jongen. C’est le violoncelliste Henri Demarquette qui interprète les parties solistes de l’enregistrement produit par Musique en Wallonie, maison de disques à l'Université de Liège.
Le violoncelliste français Henri Demarquette a été remarqué à l’âge de 17 ans par Yehudi Menudin alors qu’il donnait un concert avec Hélène Grumiaud. La collaboration qui s’ensuit marque le début de la carrière internationale du jeune Français. Membre du jury de la première édition pour violoncelle du Concours Reine Élisabeth, Henri Demarquette explore une grande variété de styles allant de la musique ancienne et contemporaine au tango. Nous le retrouvons ici dans des œuvres pour orchestre et violoncelle de Joseph Jongen.
Henri Demarquette - Photo Elian Bachin
Joseph Jongen, fierté des Liégeois
En 1897, après une tentative échouée quelques années auparavant, Joseph Jongen (1873-1953) remporte le Prix de Rome. À son retour de presque un mois d’isolement, il est accueilli par de nombreux journalistes, 80 sociétés de musique et des milliers de Liégeois formant un long cortège. La pension accompagnant le Prix lui permet de séjourner en Allemagne, notamment à Munich et à Berlin, où il écrit ses premières grandes œuvres orchestrales parmi lesquelles figurent le Concerto op. 18 et le premier Poème op. 16.
Avec ces deux œuvres, Jongen s’inscrit dans la lignée des poèmes instrumentaux pour cordes et orchestres inaugurée par Eugène Ysaye à la fin du siècle avec son Poème élégiaque. Le Poème de Joseph Jongen est créé à Bruxelles lors d’un des concerts du salon de la Libre Esthétique mais n’est interprété que rarement par la suite. Henri Demarquette et l’OPRL sont ainsi les premiers à fixer l’œuvre sur disque. Dès les premières notes, les vents de l’OPRL démontrent leur richesse sonore et annoncent le ton chantant du Poème. Henri Demarquette énonce le thème très lyrique avant d’entrer dans un dialogue où soliste et orchestre sont véritablement à l’écoute l’un de l’autre et où chacun trouve sa place.
Jongen se lance dans l’écriture du Concerto alors qu’il a à peine terminé son premier Poème. Cette affinité avec le violoncelle s’explique sans doute par l’amitié le liant avec Jean Gérardy qui était déjà une vedette de l’instrument dans les années 1890. L’accueil mitigé de l’œuvre réunissant les goûts germaniques et français provoque une grande frustration chez le compositeur. Alors que le premier mouvement s’ouvre avec un passage tutti de l’orchestre auquel les cuivres confèrent un caractère très éloquent, le second mouvement explore le superbe registre grave de l’orchestre. Tantôt virtuose, tantôt lyrique, l’interprétation de Henri Demarquette devrait rendre justice à l’œuvre au destin quelque peu avorté.
On peut ainsi espérer que ceux qui auront suivi de près ou de loin la première édition pour violoncelle du Concours Reine Élisabeth auront la curiosité d’explorer le répertoire de l’instrument et trouveront le chemin vers le disque de l’OPRL et de Henri Demarquette.
Adèle Querinjean
Mai 2017
Adèle Querinjean est saxophoniste et diplômée en musicologie. Elle est aussi chroniqueuse musicale indépendante.