Ferenc Karinthy, Épépé

KarinthyÉpépé est un roman hongrois publié en 1970, ressorti récemment aux éditions Zulma (celles avec les plus belles couvertures au monde). À en croire le bandeau publicitaire de cette réédition « Perec aurait adoré Épépé » - ce sont les mots d’Emmanuel Carrère. Il aurait adoré, très certainement, mais ce roman atypique, que l’on tenterait de situer entre le roman à énigmes et l’univers aussi déséquilibré que poétique de Boris Vian, est aussi le coup de cœur potentiel de toute personne intéressée par les langues et la linguistique. Dans ces quelque 280 pages, Karinthy nous perd  dans une ville surpeuplée à l’alphabet inconnu et incompréhensible dans laquelle son personnage, Budaï, a atterri on ne sait par quelle méprise. Linguiste de formation (et très compétent), Budaï regorge d’ingéniosité pour parvenir à déchiffrer et se faire apprendre cette langue qui ne semble avoir de lien avec aucune des dizaines qu’il connaît, dans cette ville qui n’a pas l’air de vouloir (ou de pouvoir) lui accorder le plus petit instant. C’en est effrayant. De la première à la dernière page, Karinthy joue avec son lecteur jusqu’à l’étourdir mais il lui laisse toujours, comme à Budaï, la dose d’espoir nécessaire pour qu’il ne perde pas totalement pied et continue son voyage dans cet univers à la limite de la dystopie, qui n’en reste pas moins absolument envoûtant.

 

Louise Van Brabant

Ferenc Karinthy, Épépé, Trad. Judith Karinthy et Pierre Karinthy, Zulma, 2013, 284 p.
 

Lectures pour l'été 2017
Romans, nouvelles et récits romancés

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