« Les agneaux vont se taire pour le moment. Mais, Clarice, vous vous jugez avec la miséricorde d'un inquisiteur du Moyen Age ; il vous faudra constamment le mériter ce silence béni. » C'est ainsi qu'Hannibal Lecter conclura, du moins momentanément, la relation aussi étrange qu'imprévue qu'il a nouée avec Clarice Starling, brillante aspirante au FBI. Deux êtres d'exception dans une relation d'exception. Le diable apprivoisé par l'ange ? Qu'est-ce qui a fait qu'Hannibal Lecter psychiatre doté d'un ego démesuré, manipulateur par nature, cannibale par passion, entrouvre les portes de son existence à la jeune Clarice ? Sa franchise virant ponctuellement à la naïveté ? Son intelligence supérieure ? Sa force mentale ? Tout cela à la fois ? Rien de tout cela ? Autre chose ? L'envie, la simple envie ? Thomas Harris ne le dévoile pas dans son roman, il laisse à chacun le choix d'interpréter les liens qui unissent ces deux personnages. La relation entre Clarice et Hannibal est un roman dans le roman; une intrigue dans l'intrigue, à ceci près qu'elle n'est jamais résolue alors que l'intrigue principale, a contrario, l'est. Mais, au fait, l'intrigue principale est-elle vraiment celle qu'on croit. N'est-elle pas un alibi pour traiter des relations humaines, de la noirceur de l'âme, de l'imprévisibilité des vies et des rencontres ? Peut-être pas, peut-être bien et cela fait tout l'attrait du livre.
Le silence des agneaux est un livre qui se lit et se relit. Il a sans aucun doute plusieurs niveaux de lecture. On n'y voit jamais la même chose. Bien au-delà d'un thriller admirablement ficelé qui remplit toutes ses promesses, il nous renvoie face au miroir, face à nos peurs, à nos interdits, à nos doutes, à ce que nous avons enfui au plus profond de nous. Il faut le lire bien en deçà de la surface.
Annick Comblain
Thomas Harris, Le silence des agneaux, Trad. Monique Lebailly, Pocket, 2011, 384 p.Lectures pour l'été 2017
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