Pierric Bailly, L’Homme des bois

BaillyS’il porte sur la mort du père, ce livre n’a rien d’un tombeau. Il se présente plutôt comme une enquête (mais qui sait bien qu’elle n’aboutira à aucune vérité définitive : « Un polar sans coupable sinon la nature ») sur un homme, sur sa vie, en cherchant à éclairer les circonstances de sa disparition : au cours d’une promenade, « l’homme des bois » glisse « sur une pente raide et humide », chute d’une falaise et se brise le crâne contre « une dalle de roche calcaire à l’endroit où le ruisseau de la Baume prend sa source ». Simple accident ? Suicide ? Suicide en forme d’accident ? Le narrateur enquête, donc, raconte la vie tout en colères, en passions et en « romans inachevés » de son père, et en même temps qu’il interroge la relation à la fois proche et distante qui le liait à lui, il donne une apparence, par ses mots, à ce cadavre fracassé que la morgue lui a refusé de voir. « L’Homme des bois » n’est pas un tombeau, mais une lente cérémonie, nous menant à la véritable séparation, un long texte d’adieu dont l’extrême sobriété impressionne, comme s’il s’agissait avant tout pour le fils endeuillé de prendre acte de ses propres décisions, de ses propres besoins, de sa réponse courageuse au mystère de ce père emporté par la forêt. Un texte émouvant donc, qui, tout en sillonnant les routes du Jura, célèbre aussi la mort d’une époque, d’un temps qui disparaît avec Christian Bailly : « Mon père n’était pas le premier à être enterré sur du Ferré. Il appartient peut-être à la dernière génération des personnes qui le seront ».

Olivier Dubouclez

 

Pierric Bailly, L’Homme des bois, Paris, P.O.L, 2017, 153 p.

 

Lectures pour l'été 2017
Romans, nouvelles et récits romancés

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