Julien Suaudeau, Dawa

SuaudeauDawa. Un mot qui sonne comme une obligation : celle d’inviter les non musulmans à l’Islam. Titre du premier opus de Julien Suaudeau – un roman noir en forme de thriller, diablement d’actualité – “Dawa” résonne comme une possible déflagration.

Car c’est bien de cela que rêve Assan, un professeur d’arabe lettré : conjuguer une soif de revanche privée avec la perpétuation du combat de ce père qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Bien intégré à la fois dans la banlieue d’Aulnay-sous-bois et dans le monde académique, Assan fait illusion. Patiemment pourtant il met au point six attentats simultanés dans six gares parisiennes un vendredi 13. Dawa. Face à lui, Paoli, le directeur de la police qui le surveille et le protège pour mieux assouvir une vindicte très personnelle, puisée dans le drame de son enfance, là-bas en Algérie.

Si l’histoire nous tient en haleine c’est parce qu’elle se déroule ici et maintenant. Jamais nommés, les hommes politiques sont facilement démasqués. L’auteur jette un regard critique (et documenté) sur une société française dont il connaît les failles : des caïds de la zone aux services de renseignements, des ados de banlieue en quête d’identité et d’affection aux collaborateurs de l’ombre des couloirs de l’Elysée, sans oublier quelques figures féminines de second plan mais grâce auxquelles affleure l’émotion. Les méchants ne le sont pas tout à fait. Les gentils non plus. L’hypocrisie règne et la réalité sociale est dure, cruelle, explosive.

Menée tambour battant, la narration emprunte des chemins de traverses tout en suivant une construction implacable. Sa force est de camper des personnages attachants car ils sont complexes, étonnamment humains dans un monde brutal et, pour certains, sans espoir. Ancrée dans la réalité de 2014, le livre est un choc parce qu’il est plausible. Trois ans plus tard, nous ne sommes pas sortis du cauchemar.

 

Patricia Janssens

Julien Suaudeau, Dawa, Robert Laffont, Paris 2014