Le grand concert du Bicentenaire culminera avec une création de Wim Henderickx

Wim Henderickx (2015 Philip Van Ootegem)D’ici quelques semaines, 200 musiciens gantois s’apprêtent à franchir la frontière linguistique pour entamer, avec plus de cent musiciens liégeois, les préparatifs du concert organisé à l’occasion du bicentenaire de leur université. Un défi les attend : la création de Antifoon de Wim Henderickx. Rencontre avec le compositeur.

 


Wim Henderickx
@Philip van Ootegem

 

L’agenda du compositeur anversois est bien rempli. La veille de notre rencontre avait lieu la première de sa deuxième symphonie au tout nouveau Elizabethzaal d’Anvers. Deux jours plus tôt, c’est son ballet qui entamait une tournée de dix représentations avec l’Opéra de Flandre. Le lendemain, le Syrian Expat Philharmonic Orchestra et l’ONB interprétaient sa première symphonie programmée par Klarafestival à Bozar pour commémorer les événements du 22 mars 2016. La prochaine première n’est éloignée que de quelques semaines. Il s’agit de l’œuvre qui a été commandée au compositeur par les Universités de Liège et de Gand et qui sera interprétée par les orchestres et chœurs des deux institutions.  

Wim Henderickx est bien présent dans le paysage musical flamand, c’est le moins que l’on puisse dire. Si je n’avais jamais entendu parler de lui durant le quart de siècle passé en Wallonie, je n’ai pas tardé à faire sa connaissance lorsque, une fois mon diplôme de musicologie en poche, je me suis installée à Gand pour me lancer dans la vie active. Sa première symphonie était alors interprétée pour la seconde fois par deFilharmonie et le chef d’orchestre tenait à présenter l’œuvre notamment pour souligner à quel point il est rare aujourd’hui, qu’une pièce contemporaine soit programmée à plusieurs reprises.  

Quelques mois plus tard, j’ai eu la chance d’assister aux répétitions et à la création de sa pièce On Haiku pour quatuor à cordes et sho. C’est donc pleine de curiosité que je grimpe les quatre étages de sa maison menant à son studio de travail. Wim Henderickx s’empresse d’allumer son ordinateur afin de me montrer la partition d’Antifoon.

 

L’université comme lieu de recherche musicale

« Ce n’est pas une partition habituelle où tout serait écrit. C’est une partition qui présente des matériaux ordonnés et inscrits dans un espace temporel qui rend compte des harmonies, des nuances et des énergies. Ces dernières sont la base de l’œuvre. »

Antifoon est divisé en différentes sections associées à des éléments – la terre, l’eau, l’air – et à des couleurs. Chaque couleur est rattachée métaphoriquement à une autre signification comme par exemple le rouge et l’amour. Plutôt que d’inscrire sur la partition des mélodies élaborées par le compositeur, celui-ci présente au musicien un ensemble de sons à partir desquels l’instrumentiste doit créer sa propre mélodie. Cette façon de procéder présente l’avantage qu’aucun des 350 musiciens participant à la création ne peut être exclu de par son niveau instrumental. Tout le monde peut et doit participer. Qu’il s’agisse de professionnels ou d’amateurs avec lesquels il travaille régulièrement, Wim Henderickx aime donner de la liberté aux interprètes afin que chacun puisse faire « zijn eigen ding », « son propre truc ».

« C’est une pièce presque pédagogique. Ce n’est pas seulement une expérience pour le public qui entendrait une espèce de super-orgue mais également pour les musiciens qui peuvent tenter leurs propres expériences avec les sons. »

Lorsqu’on lui a demandé de composer une pièce pour le Bicentaire, Wim Henderickx a tout de suite dit qu’il ne ferait pas de seconde Festouvertüre, le titre de l’une des œuvres de Brahms programmée lors du concert. Cela n’avait, à ses yeux, pas de sens dans ce contexte universitaire : « Il est important que cette musique soit une sorte d’expérience, de recherche qui soit tournée vers le futur. C’est ce dans quoi l’on s’investit à l’université, alors pourquoi devrais-je faire une pièce traditionnelle ? »

 

HenderickxLa curiosité de la rencontre

« La réaction avec mes pièces qui sont construites de cette façon est souvent la suivante : “mais en fait, que dois-je jouer ?” » Pour Wim, « le problème général des musiciens est qu’ils sont formés à jouer la musique composée jusqu’au 19e siècle. Un pianiste qui joue de la musique du 20e joue Debussy, Schönberg ou Messiaen s’il a un professeur très progressif. La plupart des musiciens ne savent pas ce qu’est la musique de maintenant et il est important qu’ils l’entendent de la part des compositeurs. »

Lors de chaque création, le compositeur est donc présent aux répétitions afin de rencontrer les musiciens, de les accompagner et guider dans le travail. Loin de toute routine, Henderickx me confie avoir à chaque fois la même curiosité de la réaction des interprètes. Ce sera encore le cas pour le concert du Bicentenaire où Wim rencontrera les 350 musiciens lors d’un week-end de répétition conjointe. Dans un premier temps, il travaillera avec les ensembles séparément afin de découvrir le matériau à partir duquel l’œuvre se constituera. En travaillant en plus petits groupes, le compositeur espère susciter la créativité, l’inventivité, de chaque musicien. Ensuite, il s’agira de s’approprier l’espace qui joue un rôle crucial dans la pièce.

 

Une « installation sonore vivante »

Ceux qui connaissent quelque peu le travail de Henderickx savent l’importance que la spatialité, au sens propre, occupe dans ses œuvres. L’espace est un des paramètres avec lesquels le compositeur expérimente : « Il m’importe particulièrement d’intégrer des effets spatiaux dans l’œuvre, comme le titre l’indique, c’est une pièce très spatiale. Il faut pouvoir rencontrer l’espace. » Ainsi, pas de casse-tête chinois pour installer 350 musiciens sur la scène du Forum de Liège. Ceux-ci seront disposés tout autour du public afin de parvenir à une stéréophonie, de créer un « surround system, non pas électronique mais avec des instruments, des personnes ».

Ce public auquel il veut procurer la sensation d’être dans le son, Wim Henderickx le veut aussi diversifié que possible. Il est d’ailleurs impliqué dans les projets éducatifs et sociaux de deFilharmonie où il est « artiste en résidence » depuis 2013. Attirer un public neuf et varié, c’est un pari à moitié gagné, du moins pour l’édition liégeoise du concert, puisque les apparitions de Wim Henderickx dans les salles wallonnes restent, pour le moment, assez rares. On lui souhaite, à lui, mais aussi au public, que cette apparition soit suivie de nombreuses autres occasions d’échange entre nord et sud de notre pays.

 


Adèle Querinjean
Mars 2017

 

crayongris2Adèle Querinjean est saxophoniste professionnelle et chroniqueuse musicale. Elle est diplômée de l'Université de Liège (Master en Musicologie) et du Conservatoire de Maastricht.

 

http://www.wimhenderickx.com/


 

 

Concerts exceptionnels Uni Ducenti

11 mai 2017 à 20h au Forum de Liège
16 mai 2017 à 19h30 à Bozar Bruxelles, sous le Haut Patronage de Sa Majesté Le Roi

Les deux soirées sont ouvertes à tous et gratuites, sur réservation

Voir aussi :  Uni ducenti. 350 musiciens pour fêtes le bicentenaire paru dans le 15e Jour du mois

Les ensembles:

  • Orchestre à cordes de l’Université de Liège (CIMI)  - Chef d’orchestre : Sophie Pirard
  • Chœur universitaire de Liège, Société royale  - Chef de chœur : Patrick Wilwerth
  • Gents Universitair Symfonisch Orkest (GUSO)  - Chef d’orchestre: Steven Decraene
  • Gents Universitair Harmonisch Orkest (GUHO) - Chef d’orchestre: Dimitri Bracke
  • Gents Universitair Koor (GUK)  -  Chef de chœur : Joris Derder
  • Personeel- en Alumni-orkest (Continuo)  - Chef d’orchestre: Kevin Hendrickx

 

Les solistes: Julie Mossay (soprano)et Joris Derder (baryton)