Nul besoin d'une longue étude pour se rendre compte que les personnages des jeux vidéo sont très souvent hypersexualisés.  L'homme représenté est plutôt macho, avec une musculature très développée, violent, et très attiré par la sexualité, tandis que la femme est généralement sensuelle et soumise, avec des tenues pour le moins suggestives, et elle reste objectifiée, même quand c'est une guerrière.  Diverses recherches ont mis en évidence cette problématique et tentent de déterminer l'impact de l'hypersexualisation sur le joueur et son comportement dans la vie réelle. Jonathan Burnay mène des recherches doctorales dans ce domaine. Il fait ici un rapide tour de la question, tout en rappelant que si le jeu vidéo peut avoir des impacts négatifs par son contenu, il présente aussi de grands avantages.

Depuis plusieurs années, les jeux vidéo ont la cote parmi les jeunes et les moins jeunes. Cette activité regroupe 70% des moins de 18 ans (CRIOC, 2011) et la moitié des adultes¹ (IFSE, 2012) . Parmi ceux-ci, une petite majorité d’hommes, mais seulement un peu plus de la moitié. Autrement dit, les jeux vidéo prennent toujours de plus en plus d’ampleur et novembre est une période excitante pour ce média. De nombreux nouveaux titres sont sortis ou sortent bientôt : un remastering de Call of Duty, Battlefied 1, Dishonnored 2, Civilization VI, Watch Dogs 2, Pokemon Lune et Soleil… Il y en a pour tous les goûts et pour tout le monde. La conférence Blizzcon² s’est terminée récemment avec son lot d’annonces et de nouveautés. Les soldes d’hiver de la plateforme Steam³ sont toujours plus folles d’années en années. Bref, la tentation est forte d’offrir ou de s’offrir un jeu vidéo durant la période des fêtes… mais aussi de rouvrir les vieux débats.

Laissons pour une fois le sujet de la violence de côté. Car -  le saviez-vous ? - ce n’est pas le seul champ de recherche concernant l’effet des jeux vidéo. Récemment, de nombreuses études se sont intéressées à l’impact potentiel du contenu sexualisant ou sexiste des jeux vidéo sur nos attitudes et nos comportements.

Définissons rapidement ces deux concepts

La sexualisation correspond à la mise en valeur d’une personne par ses seules caractéristiques sexuelles (APA, 2007), comme par exemple, ne s’intéresser à une femme que parce qu’elle est « sexy ».

Quant au sexisme, on s’accorde à en reconnaître deux types, décrits par Glick et Fiske (1996) : le sexisme hostile et le sexisme bienveillant. Le sexisme hostile regroupe l’ensemble des comportements et attitudes de domination ou de supériorité masculine et une forme hostile de sexualité (Dardenne et al., 2006). Par exemple, dans le jeu vidéo GTA V, le héros peut récupérer de la santé en payant une prostituée et tuer cette prostituée juste après pour récupérer son argent. Un peu moins caricatural, mais toujours aussi sexiste, dans The Witcher 3, le joueur peut gagner des succès (sorte de récompenses visibles par les autres joueurs qui montrent la progression et les compétences du joueur) s’il couche avec certains personnages féminins. Autrement dit, la femme est une récompense, un objet que l’on remporte après avoir réalisé une succession de tâches.

Le sexisme bienveillant est une attitude au premier abord positive, chevaleresque, qui idéalise la femme tout en la traitant avec condescendance, au second abord, cette attitude maintient la femme dans une infériorité de rôle et de statut (Dardenne et al., 2006). Si l’exemple le plus évident de sexisme bienveillant est le rôle de la demoiselle en détresse, incarné par la Princesse Peach dans nombre de jeux Super Mario, d’autres jeux vidéo présentent la femme comme faible et devant être protégée. Dans le jeu Resident Evil 4, l’ensemble du scénario est basé sur le sauvetage de la fille du président, un personnage qui vous suivra partout, sera incapable de se défendre ou d’agir sans votre aide immédiate.

Les questions qui taraudent les chercheurs depuis quelques années sont : « Les jeux vidéo contiennent-il du sexisme et de la sexualisation ? » et « Ce contenu a-t-il des conséquences négatives sur nos actions et notre manière d’appréhender le monde ? ».

On peut raisonnablement affirmer que de nombreux jeux vidéo contiennent du sexisme et de la sexualisation. Une simple recherche du terme « femme jeux vidéo » sur Google devrait suffire à convaincre. Mais de nombreuses recherches scientifiques se sont pourtant penchées sur la question et leur conclusion est unanime. Ces études de contenu montrent que dans les jeux vidéo, les femmes sont principalement représentées avec une forte poitrine, une taille mince, dans des tenues révélatrices (décolleté plongeant, bikini, sous-vêtements) et comme des objets sexuels (Summers & Miller, 2014 ; Down & Smith, 2010).

Les hommes, eux, sont surtout représentés exagérément musclés (Burgess et al., 2007).