La double vie de Damien aka Le Dé

Je suis la première lettre de mon prénom.
Traditionnellement, j'ai 6 faces mais comme ma musique je ne suis pas ordinaire.
Si je sers à évoquer la chance je ne m'y fie pas, je lui dois moins qu'à mon travail.
Je suis... ?
Comment mieux définir Le Dé qu'à travers une énigme, lui qui cultive volontairement l’ambiguïté. Sous des airs de nonchalance trompeurs, le personnage est plus complexe qu'il n'y paraît et, aussi éculé que cela puisse sembler, à la fois étudiant brillant et étoile montante du hip hop liégeois, tout autant multi-facettes que son nom. 

Pour tout te dire, des facettes, j'en ai à peu près un million (Freestyle hivernal, 2014)

 

leDé

 

Damien est ce qu'on appelle dans le jargon universitaire un étudiant-artiste. Déjà diplômé d'HEC-École de Gestion ULg, il arrive actuellement au bout de son Master en Sciences de la Population et du Développement (Faculté des Sciences sociales).

 Aujourd'hui, tu vends 3 CD et t'es disque dur
Aujourd'hui, tu sors un son et t'existe plus
Donc ne me blâmez pas si je fais des études
J'veux pas finir comme Yannick avec un seul tube
(...)
En bref, non, c'est pas de cette vie-là que j'veux
J'ai connu les galères, j'suis en droit de demander mieux (Prendre de l'Altitude, 2011)

J'suis allé en haute école
j'me lève à eight o'clock
j'me fais mon verre de jus d'orange
pendant que toi, tu te fais ton rail de coke (Freestyle hivernal, 2014)

Cette dernière année, l'obtention récente de ce statut académique particulier lui a permis de l'étaler sur deux ans pour mieux miser sur Le Dé, son projet solo.  « En musique les choses évoluent rapidement et j'ai senti que pour moi c'était le moment où jamais.  Je viens d'intégrer le groupe Old Jazzy beat Mastazz (OJBM) qui tourne beaucoup. J'ai également sorti « Delta. Plane », un EP dans lequel je me suis beaucoup investi. J'ai composé les instrus, écrit les textes, pris le temps de l'enregistrer et de le masteriser correctement. Je veux pouvoir le défendre au maximum ».

ledéLes rouages de sa double vie semblent bien huilés, entre sa manière d'aborder son cursus académique et sa musique, la différence est surtout d'ordre méthodologique : « Écrire est pour moi un exutoire, je ne m'impose aucune routine. Il faut qu'il se passe quelque chose. S'il ne se passe rien, j'attends. C'est un peu difficile à expliquer, c'est presque de l'ordre de l'alchimie ».

Si sa carrière connaît aujourd'hui un tournant nouveau, sa rencontre avec le hip hop ne date pas d'hier : « Je devais avoir 15 ou 16 ans. Mon frère ainé (le rappeur Smartone) a ramené à la maison un micro d'enregistrement qu'on lui avait donné. On s'est essayés sur un ordinateur tout pourri mais pour moi ça été comme une révélation. Après, il a fallu que j'apprivoise ma voix notamment en faisant les backs lors des concerts de mon frère ».

La suite n'est finalement qu'une série d'entraînements, de rencontres fortuites mais déterminantes où s'entremêlent ses deux vies : « mon Erasmus aux États-Unis a été l'occasion d'enregistrer un EP 5 titres intitulé Life's a Beach avec LV Baby, un rappeur du Mississippi ».

 

 Sur Youtube :

FresstyleHivernal OneShot Entraînement après l'EP

 

Le vent en poupe

Ces expériences de vie, ce background musical, « Delta. Plane » en est le condensé. Sorti en mars dernier, il nous plonge tout droit dans un univers à la fois caractéristique et difficile à définir aux frontières du trap, du jazz et du hip hop ricain. Personnel, certes, mais moins nombriliste que ses autres projets. Pour celui-ci, Le Dé s'est entouré d'une fine équipe : L'œil Écoute Laboratoire pour l'enregistrement, le mixage et le mastering, La Brique pour la distribution et le booking. Aux instrus  l'on retrouve des musiciens comme Groovy B, FRSPRT et se partageant le micro, Swing et Primero, du non moins montant groupe de rap l'Or du commun.

Sur « Delta. Plane », Le Dé s'affirme : la langue bien pendue avec toujours ce brin d'arrogance assumée au coin des lèvres mais un regard bien plus cinglant sur le monde qui l'entoure : « Certains morceaux sont, il est vrai, plus introspectifs. Tout y est raconté avec légereté sans pour autant être léger ».

Et puis, il y a Liège. Liège comme un leitmotiv. Écrire sur sa ville, est-ce un passage obligé pour tout rappeur qui se respecte ? « La Cité ardente est particulièrement inspirante et puis c'est chez moi, alors je peux la critiquer sans gêne, non ?  Elle me fait surtout rire avec tous ses paradoxes. On la déteste, on ne rêve que de la quitter mais une fois que c'est fait, on est content d'y revenir ». 

J'veux me casser fissa
mais cette ville exerce sur moi un effet puissant
m'enlisant, fasciné par ses lumières luisant
essayant d'éviter l'échec cuisant
100% Liégeois depuis la garderie
mais comprends-moi si parfois j'en ai marre d'y vivre
car c'est plus à ses habitants que j'm'identifie
entre petits, c'est en s'unissant qu'on se grandifie
et je déteste le genre des Liégeois arrogants
qui en agissant de la sorte ternissent la splendeur de ma cité ardente
car c'est au peuple qu'elle doit sa réputation
chez nous la soirée bat son plein
quand tu es en pleine phase de sudation. (Liège, Liège, 2016)

 

Aujourd'hui, elle est en tout cas un terreau fertile pour le hip hop et voit grandir une nouvelle génération de rappeurs adeptes forcés du système D certes, mais qui réinvente avec véhémence les codes d'un genre qui le nécessitait. Du haut de ses 23 ans, instrumentiste passionné et mélomane vorace, Le Dé en fait intinsèquement partie.

 

Martha Regueiro
Juin 2016

 

 

crayongris2Martha Regueiro est journaliste indépendante. Elle fait aussi partie de l'équipe d'animation de 48FM 

 


 

 

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