De retour dans son pays natal, le Nigéria, après une dizaine d’années passées aux États-Unis, Ifemelu, l’héroïne du roman Americanah (2013), constate avec une certaine confusion son envie tenace de manger des salades fraîches et des légumes cuits à la vapeur. Ce souhait peut paraître trivial, mais il témoigne d’un questionnement identitaire bien plus profond : ces habitudes alimentaires, acquises dans les milieux bourgeois-intellectuels états-uniens, font-elles d’Ifemelu une « Americanah », terme désignant ces Nigérians qui, de retour des USA, se complaisent dans des maniérismes américains, rejetant par là même toute fierté d’appartenance à leur culture d’origine ?
Cette interrogation parcourt en filigrane un roman à la fois incisif et émouvant, qui retrace le parcours d’une jeune femme qui a décidé de fuir la situation économique délicate au Nigeria en quête d’un avenir meilleur outre-Atlantique. Treize ans plus tard, Ifemelu est l’auteur d’un blog à succès portant sur son expérience en tant qu’Africaine aux États-Unis, mais elle décide d’abandonner ce projet pour emprunter le chemin migratoire en sens inverse et retrouver le pays de ses racines, où habite notamment Obinze, son premier amour, à présent marié et père de famille...
Mêlant histoire d’amour et récit socio-politique, Americanah explore avec sensibilité les conséquences affectives de l’éloignement géographique, tout en dressant avec humour et subtilité le portrait de deux pays, les États-Unis et le Nigéria, chacun en proie à leurs propres démons sociaux et culturels, produits d’héritages historiques bien différents.
Daria Tunca
Chimamanda Ngozi Adichie, Americanah, Trad. Anne Damour, Folio, 2016, 704 p.
Lectures pour l'été 2016
Romans, nouvelles et récits fictifs
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