On voudrait parfois détourner le regard. Oublier, le temps de quelques beaux jours, l'état du monde... Profiter d'une plage sans penser à ces images d'enfants emmitouflés dans des couvertures de survie, quelque part, loin, tout près... Mais les «migrants», comme on les appelle, s'invitent à notre table à l'heure du journal, sur nos réseaux sociaux entre deux vidéos de chatons. Alors, écoutons leur histoire, par exemple à travers le bouleversant roman de Pascal Manoukian, qui retrace le parcours de trois de ces hommes.

Virgil, le Moldave, sera notre guide. Tel un animal, il a installé sa tanière dans un bois en marge des activités humaines. Dans un mouvement de retour vers l'humanité, il rencontrera Assan, le Somalien, et Chanchal, le Bangladais, dans l'antichambre de la liberté que sont, pour notre roman, les faubours de Villeneuve-le-Roi. C'est là, dans un monde parallèle qui ne cesse pourtant de croiser le nôtre, qu'échouent nos héros, au terme de périples plus effroyables les uns que les autres, racontés par P.M. dans un style limpide, qui ne s'embarrasse à aucun moment d'un pathos qui ne serait ici pas de mise. Nos héros tragiques, c'est debouts qu'ils nous sont présentés, dignes et grands dans leurs déchirements et leurs questionnements quant à la nature humaine, l'avenir, la vie.

P. Manoukian est journaliste. Les échoués est son premier roman, mais il ponctue très logiquement la carrière d'un homme qui a vécu et travaillé dans diverses zones de conflit dans le monde. Écrire — et lire ­— ce roman, c'est aussi un geste engagé.

Esther Baiwir

Lectures pour l'été 2016
Romans, nouvelles et récits fictifs
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