Enfin réédité en français dans une version non expurgée, Seul dans Berlin est probablement le chef-d’œuvre de l’écrivain Hans Fallada. L’ouvrage narre la vie quotidienne dans un immeuble de Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale, où se côtoient des personnages qui constituent autant d’archétypes des comportements que le régime hitlérien a suscités dans la population allemande de l’époque : fanatisme violent, lâcheté ordinaire, attentisme prudent, mais aussi, pour ainsi dire miraculeusement, aide discrète, dignité incorruptible, voire un courage d’autant plus inouï que la terreur est omniprésente. Au centre de cette tragédie, les époux Quangel qui, ayant perdu leur fils à la guerre, décident, au prix d’expéditions de plus en plus dangereuses, de diffuser dans les consciences, par la voie de messages anonymes déposées dans des boîtes aux lettres choisies de manière aléatoire, la terrible vérité : Hitler est un criminel et rien n’est plus urgent que de le renverser. Projet à la fois admirable et dérisoire qui, sans déclencher le moindre mouvement de révolte contrairement à leurs fols espoirs, conduira Otto et Anna Quangel à la potence et qui témoigne, grâce à la plume de Fallada, de la persistance, dans un océan de folie meurtrière, d’une goutte d’humanité : celle qu’aura versée, en dépit d’une fin inéluctable, la résistance intérieure allemande.
Nicolas Thirion
Hans Fallada, Seul dans Berlin, nouvelle trad. Laurence Courtois, Folio, 2015, 768 p.Lectures pour l'été 2016
Romans, nouvelles et récits fictifs
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