Le dernier opus d’Emmanuel Carrère consiste en un florilège de textes courts que l’auteur a donnés tantôt à certains organes de presse, tantôt en guise de préfaces à des éditeurs. Le premier de ces essais a été publié en 1990, le dernier en 2015. On y retrouve la patte de Carrère, cette façon qu’il a de créer une œuvre en malaxant le réel et en s’y immergeant en tant que sujet écrivant. Derrière ces différents textes, se dessine en filigrane un portrait de l’auteur, avec ses obsessions (pour le fait divers et la Russie, notamment), son enthousiasme communicatif à l’égard de quelques-uns de ses frères en littérature (Perutz, Déon, Karinthy, Cockcroft, entre autres), voire un sens de l’autodérision qu’on ne lui connaissait pas (une interview complètement ratée de Catherine Deneuve en est le prétexte). Surtout, on aperçoit combien ces articles publiés ici et là ont été la matrice de certains de ses livres les plus réussis (en l’occurrence, L’ Adversaire, Un roman russe, D’autres vies que la mienne et Limonov) et on a de la sorte l’impression qu’avec cet ouvrage, Carrère lève un coin du voile sur le processus de création littéraire, à l’image d’un Courbet révélant une partie de son travail dans L’Atelier du peintre. Captivant.
Nicolas Thirion
Emmanuel Carrère, Il est avantageux d’avoir où aller, P.O.L., 2016, 560 p.Lectures pour l'été 2016
Essais, Documents, Non-fiction
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