Ce volume collectif, dirigé par le chef de file du parti espagnol Podemos, questionne ce que la série Game of Thrones peut apporter à l’approche du jeu politique contemporain ― en cela, plus largement, il se fonde sur le postulat que la fiction peut se révéler un instrument de pensée. Privilégiant l’adaptation télévisée à la saga romanesque (pour toucher un lectorat plus élevé), l’ouvrage est souvent séduisant et stimulant. Certaines lectures, bien sûr, peuvent paraître forcées, et on relève plusieurs redites, à l’image de la glose, fréquente, de la passe d’armes cruciale opposant Littlefinger (partisan du « knowledge is power ») et Cersei Lannister (ripostant par un tautologique « power is power » que valide son escorte armée). L’ensemble n’en est pas moins efficace : la morosité actuelle est évidente, et, selon les auteurs, il tient aux citoyens d’éviter un « long hiver » ; pour faire changer les choses, il faut accepter de jouer le jeu politique et non uniquement de faire valoir son intégrité (comme Ned Stark, qui sera toujours la première victime). Les réflexions entourant la notion de légitimité, entre autres, sont bien menées et rappellent qu’un pouvoir qui en est dénué est toujours voué à l’échec (en témoigne la trajectoire de Jeffrey Baratheon). Les contributeurs du volume prennent pour modèle le personnage de Danaerys Targaryen et on voit bien, en effet, les liens qui unissent Podemos à la Khaleesi, qui prend le parti des esclaves, est capable d’unir les peuples et est dotée d’un projet alternatif. Fait intéressant toutefois, les auteurs s’en tiennent aux trois premières saisons de la série : ils manquent du coup l’évolution d’un personnage qui avance en tâtonnant et en commettant plusieurs erreurs. Peut-être ce choix n’est-il pas innocent ; il peut, en un sens, se révéler une invitation à la bienveillance vis-à-vis de l’inexpérience de Podemos.

Denis Saint-Amand

Lectures pour l'été 2016
Essais, Documents, Non-fiction
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