Laurent Grenier, Dix disques de traverse

Grenier« Écrire sur la musique, c’est comme danser sur l’architecture », disait Frank Zappa. Par bonheur, ce n’est pas ce que fait Laurent Grenier, nouveau venu dans le milieu littéraire, mais plume aguerrie du magazine Rifraf, bien connu des amateurs de musiques alternatives bruxello-wallons.

Car ces « dix disques de traverse » (faut-il lire « de travers » ?) ne sont pas un florilège de critiques, mais posent les jalons d’une vie, non qu’ils soient tous géniaux, mais ils ont le mérite d’avoir été là au bon moment, comme des copains qu’on n’aurait pas forcément choisis mais qui répondent présents en cas de coup de mou.

Si l’on en croit le sous-titre du livre, ces disques « n’ont pas changé » la vie de l’auteur. N’empêche, elle l’ont rythmée, et les rencontres avec celles et ceux qui les ont créés l’ont parfois marquée en profondeur. On se délecte par exemple des récits tout frémissants de mémorables rencontres avec Dominique A ou Sharon Van Etten.

Ce ton (faussement ?) candide traverse tout le livre, le pare d’une fraîcheur rare, en fait un bel exercice de confession sans concessions. Ne cachant rien des fêlures d’une enfance-adolescence parfois morne, il en restitue aussi les grands bonheurs, qui ne seraient rien sans leur bande-son, bien sûr. Parmi les souvenirs, les premiers émois sexuels occupent une place à part, et tout particulièrement les plaisirs solitaires.

On y vient. Car que serait la pop sans ses branleurs, ses bons vieux wankers ? La pop, puissante mécanique régressive capable de faire advenir le plaisir à tous les coups, de faire jaillir, intactes, des émotions qu’on croyait ensevelies pour de bon.

 

Alexis Alvarez

Laurent Grenier, Dix disques de traverse  Qui n'ont pas changé ma vie, L’Arbre à paroles,  2016 , 54 p.
 

Lectures pour l'été 2016
Essais, Documents, Non-fiction
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