Thierry Horguelin, Alphabétiques

HorguelinLe Liégeois discret et élégant qu’est Thierry Horguelin n’a rien moins qu’offert à notre 21e siècle débutant ses Exercices de style version 0.2. Certes, le rapprochement avec Queneau est aisé dès que le principe de base de son recueil est énoncé, soit la déclinaison d’une situation au déroulement invariable : un plan drague calamiteux débouche systématiquement sur le tabassage en règle du courtisan maladroit. L’on embraye ensuite avec la dimension perecquienne de l’exercice, dans la mesure où la complexité formelle est portée à l’exponentielle, par le choix du tautogramme.

Alors, oui, écrire une historiette dont tous les mots commenceraient par la lettre « e » ou « a », quel mérite à un tel divertissement ? Soumettre vingt-six fois sa syntaxe à cet impératif, voilà qui relève du tour de force. Horguelin se mue en artificier et tire ses fusées ainsi que dans un défilé carnavalesque. Le désir se déploie avec emphase, quand le « vit vibrionne », ou se résout en coït laconique, « fiasco façon Félix Faure ». Les insultes s’abattent dru sur l’importun, « Jocrisse ! Judas ! », « grand gnou ! », avant que pleuvent les coups, « Bagarre ! Baffes ! Bing ! Bardaf ! ».

L’inventivité le dispute à la drôlerie, et c’est la magie de ces historiettes à dimension de lettrines que de nous faire regretter, eux que l’on aura pourtant à peine entrevus, les « huit hédonistes » hantant Hamoir, « Katia, kiosquière kasher », « Quasimodo qui queute quotidiennement Queenie », et toute la clique.

Un livre-objet, non identifiable forcément, dont la beauté rime avec virtuosité et rareté. 

Frédéric Saenen

 

Thierry HORGUELIN, Alphabétiques, mis en images par Mathieu LABAYE, L’herbe qui tremble, 2015
 

Lectures pour l'été 2016
Poésie
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