L’Ascendant, voilà un titre parfaitement calibré au contenu de ce petit livre et qui, bien qu’orienté à la verticale, conserve sa richesse polysémique. Car l’ascendant, cela peut tracer, de haut en bas, le pouvoir sur la destinée qu’exerce un père, même par-delà la mort ; et de bas en haut, le mouvement de remontée du narrateur, quand il s’extirpe de la cave de la maison dont il vient d’hériter et dans laquelle sont enfouis les pires secrets.
À travers cette confession, qui se fraye un chemin sinueux entre froideur et hallucination, détachement et anxiété croissante, le lecteur accompagne le personnage au fil de sa perte dans un effrayant labyrinthe. Le désarroi est mutuel, éprouvé par un fils qui tente de décrypter les symboles muets disséminés par son géniteur, et par le lecteur, témoin passif d’une descente aux Enfers aux allures de traquenard littéraire.
On devine en-deçà de ces pages une réflexion douloureuse sur l’origine, le lien masculin de la filiation, et dont la contention se marque dans les toutes dernières lignes. Jamais cependant Postel ne quitte le terrain de la parabole littéraire pour faire dériver le lecteur vers la tentation du décryptage personnel. Il n’y a pas à chercher ce qui a pu motiver, dans le réel ou le vécu de l’auteur, la remontée depuis les soubassements d’un scénario-panique si obscur. Il faut se contenter – mais de quel contentement ! – de voir enfin ascensionner, dans un paysage littéraire français encombré de faiseurs et de peintres en à-plat, un sondeur des abîmes de la banalité et un authentique créateur d’énigmes.
Frédéric Saenen
Alexandre Postel, L’Ascendant, NRF Gallimard, collection « Blanche », 2015,126 p.Lectures pour l'été 2016
Romans, nouvelles et récits fictifs
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