Faouzia Farida Charfi, La science voilée

CharfiFaouzia Charfi est physicienne et professeure à l'Université de Tunis. Veuve de Mohammed Charfi, qui a été à la tête de la Ligue des Droits de l'Homme et du Ministère de l'enseignement, elle est également engagée en politique, ayant notamment été élue, dans le gouvernement provisoire issu de la révolution de 2011 secrétaire d’État à l'Enseignement supérieur. C'est dire que les questions de l'enseignement et de l'enseignement de la science lui tiennent à cœur depuis longtemps et qu'elle a sur ces questions une vision qui entremêle les questions politiques, didactiques et scientifiques.

Dans La science voilée, elle propose une réflexion et une analyse en deux temps. Tout d'abord, elle retrace l'apport des cultures arabes à l'évolution scientifique, balayant les préjugés occidentaux reconnaissant l'apport du monde arabe dans le domaine scientifique seulement jusqu'à la Renaissance. Elle analyse ensuite le conflit entre l'islam et la science, mettant en évidence les divers stratagèmes utilisés pour harmoniser les découvertes scientifiques et les principales interprétations de l'islam. Sa connaissance profonde du monde arabe nous découvre une culture ambiguë à l'égard de la science et de nombreuses stratagèmes, dont tous ne se valent pas, pour concilier science et religion. De nombreuses nuances sont apportées à notre vision d'Occidentaux, mais aussi de très nombreuses connaissances et elle n'hésite pas à montrer que la situation pourrait être plus grave qu'on ne l'imagine, vu les moyens de propagandes alloués récemment à certains mouvements ayant pour but de corrompre profondément la science moderne ou de la soumettre à la religion.

Mais si son texte, très simple et abordable, m'a semblé particulièrement pertinent, c'est parce qu'elle montre qu'il y a différentes manières d'enseigner la science. Selon elle, il ne suffit nullement pour un État démocratique d'enseigner les sciences. Des États islamiques peuvent avoir de brillants scientifiques issus de leurs propres institutions. Pour que la science soit véritablement émancipatrice, il ne faut pas se contenter d'enseigner les théories les plus pointues, il faut enseigner l'esprit et les méthodes scientifiques. Voilà que le texte d'une laïque tunisienne nous amènent à nous questionner sur notre propre enseignement des sciences. En effet, la spécialisation accrue, les compétitions entre équipes de recherches et la préparation des étudiants afin de les faire participer de plus en plus tôt à cette quête effrénée en vue de l'acquisition des nouvelles technologies, pourraient bien menacer notre démocratie, car on en oublie que la science n'est pas une accumulation de théories, mais un esprit et une manière particulière d'aborder les problèmes.

Anne Staquet

 
Faouzia Farida Charfi, La science voilée, Paris, Odile Jacob, 2013, 220 p.
 

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