Le Poiscaille, unique journal satirique liégeois, est né en 2010, de la volonté de plusieurs étudiants en communication de créer un média différent de la presse dite « mainstream », mais aussi de créer un mensuel satirique dans un pays où la satire était relativement absente.

De simples pages pdf téléchargeables, il a vite revêtu une forme papier, permettant par la même occasion à l'équipe de s'agrandir et de se professionnaliser, tout en devenant un lieu d'expérimentation et de collaboration entre rédacteurs et dessinateurs se formant aux techniques du journalisme et du dessin de presse.

La ligne éditoriale a, quant à elle, beaucoup évolué : l'aspect « alternatif » n'était à l'origine pas clairement défini. Aux environs de 2013, Le Poiscaille s'est concentré sur son identité liégeoise et sur la qualité de ses articles journalistiques. Le but était double : se différencier des nombreux journaux satiriques francophones traitant de l'actualité internationale, et permettre aux journalistes de travailler sur un terrain local, en accord avec les moyens du journal et sur lequel ils puissent avoir prise. Accompagnant cette réflexion, nous voulions également apporter de la diversité dans le pauvre paysage de la presse locale.

Une fois notre champ d'action cerné, nous nous sommes penchés sur la satire proprement dite. La particularité du Poiscaille est d'être historiquement une initiative de rédacteurs, et non de dessinateurs. De ce fait, les textes occupent une place centrale et nous permettent d'explorer différents styles en matière de satire : les pages du journal comportent des parodies pures, des pamphlets critiques, des textes employant le second degré ou l'ironie, des mises en scène humoristiques d'enquêtes ou de reportages journalistiques, mais aussi, en nombre plus minoritaire, des articles non-satiriques comme des enquêtes, des interviews, des critiques médiatiques, des reportages-BD. Ce mélange éclectique n'est pas sans poser problèmes puisque premier et second degré se côtoient sans délimitations claires pour le lecteur. Après de nombreux débats, nous avons fait le pari de l'intelligence du lecteur, à même de différencier seul le « vrai » du « faux ». Si la confusion est parfois de mise, elle n'est cependant jamais entretenue. Quelques marqueurs permettent d'essaimer des indices de lecture, qu'il s'agisse d'indications dans le chapeau (résumé en tête de texte) d'un article, ou utilisation de l'italique pour les vraies citations, au contraire de caractères normaux pour les fausses.

Au delà de cette variété éditoriale, nous sommes régulièrement assaillis de questions sur notre positionnement idéologique, voire politique. Le Poiscaille a éprouvé tous les qualificatifs, de libéral à communiste, en passant par anarchiste. La vérité est que le positionnement du Poiscaille reflète celui de ses rédacteurs, ni plus, ni moins. Nous ne croyons pas à l'objectivité journalistique, ni à la neutralité, toute énonciation partant d'une position. En revanche, nous adhérons à l'indépendance institutionnelle, à la vérification des faits en matière de journalisme, mais aussi au positionnement a posteriori et à l'affirmation de cette position. Le Poiscaille n'a pas de parti pris, il prend parti. À l'exception des investigations pures et dures, où l'exposition des faits seule est suffisamment parlante (« taper là où ça fait mal », comme on dit) et exige un recul, la grande majorité de nos articles et caricatures expriment un point de vue assumé et revendiqué, car l'actualité – ou les faits – ne sont rien sans recherche de sens. C'est la raison pour laquelle nous utilisons la satire, afin de tourner au ridicule, d'exagérer une situation jusqu'à l'absurde, de parodier ce que nous voulons critiquer. Nous avons fait le choix de l'humour, dont la force évocatrice et la portée universelle sera toujours bien plus efficace, pédagogique pourrait-on presque dire, que la dénonciation moralisatrice.

Luca Piddiu
Avril 2016

Luca Piddiu est diplômé en Arts et Sciences de la Communication. Il est rédacteur en chef du Poiscaille.