Exposition « Magie et raison. Elisa von der Recke et l’affaire Cagliostro »

SchillerDans nos esprits, le siècle des Lumières est le siècle de la raison. C’est à cette époque que se développent les sciences naturelles, que paraissent de nombreuses encyclopédies et qu’Emmanuel Kant publie ses écrits philosophiques sur l’esprit critique. Seul un regard plus précis sur cette époque permet de se rendre compte qu’à côté des Lumières, les ombres persistent : la superstition, la magie et le surnaturel sont loin d’avoir disparu. Si le peuple reste très attaché à ses anciennes pratiques religieuses, l’aristocratie se plait à se divertir par des séances de magie. Dans cette ambiance, les thaumaturges, sorciers, devins ou magiciens tels que Cagliostro rencontrent un franc succès.

C’est précisément cette double facette des Lumières qui était le sujet du séminaire de recherche en littérature allemande organisé par Vera Viehöver et Valérie Leyh en 2014-2015 dans le cadre du Master à finalité approfondie en Langues et littératures modernes. Ce séminaire avait pour objectif d’analyser une thématique selon une approche plus pratique et d’initier les étudiants à la recherche en littérature, en particulier la littérature du 18e siècle, l’objectif final étant de réaliser une exposition qui aurait lieu dans le cadre du colloque international sur Elisa von der Recke (1754-1833). Cette écrivaine courlandaise qui, dans un premier temps, se laissa convaincre par les pratiques du charlatan Cagliostro et qui, par la suite, osa les dénoncer de manière virulente dans son fameux écrit de 1787 Nachricht von des berüchtigten Cagliostro Aufenthalte in Mitau, im Jahre 1779, und von dessen dortigen magischen Operationen, illustre en effet à merveille les volets rationnel et irrationnel des Lumières.

Extrait d’une lettre de Schiller à Goethe du 2 janvier 1795
(manuscrit numérisé du Goethe- und Schiller-Archiv à Weimar) – excellent matériel pour s’exercer à la transcription !

 

ElisaVDR cagliostroErnst Gottlob, portrait d'Elisa von der Recke
vers 1783

 

Portrait de Joseph Balsamo dit Comte de Cagliostro

 

Un tel projet a donné l’occasion aux étudiants de relever plusieurs défis. Premier défi : se replonger dans la littérature et la culture du 18e siècle. Il était en effet indispensable de bien comprendre les idées développées et défendues par les deux camps opposés à cette époque ainsi que d’apprendre à connaître des intellectuels et écrivains qui ne font certes pas tous partie des ‘grands’ de la littérature mais qui, par leurs interventions, ont influencé considérablement les débats.

Deuxième défi à relever: décrypter des manuscrits. Ici, il convient de rappeler que l’écriture allemande au 18e siècle n’était pas l’écriture latine mais bien la « Kurrentschrift », une écriture gothique qui, sous une forme quelque peu transformée, persista encore jusqu’au début du 20e siècle avec l’écriture « Sütterlin ». Un alphabet modèle et plusieurs manuscrits numérisés ont permis aux étudiants de s’exercer, de transcrire quelques passages et d’acquérir les premières notions d’une étape déterminante dans le vaste travail que représente un projet d’édition.

Un séjour didactique de quatre jours aux archives nationales de littérature allemande à Marbach nous a en outre donné l’occasion de découvrir un centre d’archives réputé ainsi que plusieurs musées situés non loin, dans la ville natale de Friedrich Schiller. À côté des activités consacrées à la réalisation de l’exposition (consultation d’anciennes revues, lecture de manuscrits, etc.), les visites des archives, du « Schiller-Nationalmuseum » et de la « Staatsgalerie » à Stuttgart ainsi qu’un entretien avec une curatrice du « Literaturmuseum der Moderne » ont complété le programme de la semaine. Les étudiants ont ainsi pu se faire une idée des aspects concrets de la recherche en littérature.

Schiller-Nationalmuseum Marbach salle de travail

Le Schiller-Nationalmuseum à Marbach. - Les étudiantes dans leur salle de travail
 

De retour en Belgique, les étudiants ont rédigé et finalisé les panneaux pour l’exposition. Dans le cadre d’une collaboration avec le cours « Théorie et pratique de la traduction de l’allemand vers le français » sous la direction de Céline Letawe, tous ces panneaux ont ensuite été traduits en français. Ils présentent les débats opposant « magie et raison » au siècle des Lumières, par l’intermédiaire de quelques personnages-clés. Le personnage principal n’est nul autre qu’Elisa von der Recke, dont l’écrit contre Cagliostro eut une renommée internationale. Après sa publication, de nombreux intellectuels issus de différents pays se sont engagés dans les débats opposant rationalistes et irrationalistes. Ces altercations sont dès lors un très bel exemple des polémiques particulièrement intenses au 18e siècle. Une culture du débat à découvrir ou à redécouvrir !

 

                                                                                              Valérie Leyh
Avril 2016

 

 

L’exposition, présentée dans le cadre des activités du Groupe d’étude du dix-huitième siècle et des révolutions, a pu être réalisée grâce au soutien du Ministre de la formation et de la recherche scientifique de la Communauté germanophone de Belgique. Elle aura lieu du 2 au 14 mai dans le hall de l’Université, place du 20-Août 7, 4000-Liège.

Le colloque « Elisa von der Recke. Contextes et perspectives », organisé par Adelheid Müller, Vera Viehöver et Valérie Leyh, se tiendra à l’Université de Liège du 12 au 14 mai 2016.

Pour plus d’informations : http://web.philo.ulg.ac.be/gedhsr/

 

                                                                                             

 


 

 

Réalisation de l’exposition : Sophie Adriaens, Amalia Carrera, Eric Dupont, Julie Godesar, Sofia Hammes, Hanna Hilgers, Michael Klütgens, Jenny Lenz, Sarah Schmitz, Jérôme Terren et Soraya Testouri (sous la direction de Vera Viehöver, chargée de cours, et Valérie Leyh, chargée de recherches)
Traduction des panneaux : Élodie Ahn, Fanny Glaude et Soraya Testouri (sous la direction de Céline Letawe, chargée de cours)