Le roman de Clémence Boulouque s’articule autour des retrouvailles en 1964, dans le hall d’un hôtel de Dublin, d’Audrey Hepbrun, déjà star, avec son père, Joseph Victor Anthony Ruston Hepburn, qui avait subitement abandonné sa famille 30 ans plus tôt, sans explication. Son absence a fortement marqué la vie de l’enfant puis de la jeune femme, une douloureuse blessure restée ouverte, même si elle a pu transcender ce vide.
À ce moment de retrouvailles, relativement silencieuses, la romancière greffe l'évocation de différentes périodes de la vie d’Audrey Hepburn, les épreuves vécues, la solitude, la guerre et la misère, la faim. Et le renoncement à sa passion pour la danse, ce rêve qui l’avait tenue en vie malgré tout pendant les horreurs de la guerre. Et la mort qu’elle a frôlé deux fois. C’est peut-être ce statut de survivante qui lui donne une telle envie de réenchanter le monde.

« Ton petit toi n’est pas intéressant » lui avait dit sa mère. Sans doute faut-il comprendre de la même façon l'abandon de son père ? Même après être devenue star, l'actrice ne l'a pas oublié. Elle en a gardé une fragilité, une modestie, un besoin de rester un peu en retrait. Après l’échec de sa carrière de danseuse, elle vit son succès au cinéma comme une imposture, une tournure heureuse qu’elle ne méritait pas vraiment. Mais quoi qu'il arrive, c'est toujours sa joie de vivre qui l'emporte.

Par ce court roman, Clémence Boulouque ne veut nullement écrire une biographie de l’actrice. Un instant de grâce est bien une œuvre de fiction. C’est au vide laissé par le père absent qu’elle s’intéresse, et à la fragilité qu’il a induite dans la vie d’Audrey. Dans un style travaillé, raffiné, peut-être un peu précieux, l’auteure s’attache à montrer que ce traumatisme initial a forgé la personnalité et sans doute le talent de la jeune actrice.

Diplômée en sciences politiques, histoire de l’art, littérature comparée, docteure en études Juives, Clémence Boulouque est auteure et critique littéraire. Elle enseigne actuellement au département des Sciences religieuses de l’Université Columbia.  

Claudine Simart

Lectures pour l'été 2016
Romans, nouvelles et récits fictifs
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