L'image du magicien

circe-waterhouseMarcel Mauss disait « C'est donc l'opinion qui crée le magicien et les influences qu'il dégage. C'est grâce à l'opinion qu'il sait tout, qu'il peut tout. S'il n'y a pas de secret pour lui dans la nature, s'il puise directement ses forces aux sources mêmes de la lumière, dans le soleil, dans les planètes, dans l'arc-en-ciel ou au sein des eaux, c'est l'opinion publique qui veut qu'il les y puise1 » et ce n’est pas sans rappeler la conclusion d’Apulée sur l’accusation de magie : « accuser quelqu’un de ce crime, c’est ne pas y croire ».

John Waterhouse,
Circé empoisonnant la mer

 

En conclusion, on pourrait dire que de nombreuses sources attestent une pratique de la magie dans tout le monde gréco-romain. Ce ne sont ni les lois – quand il y en avait –, ni le potentiel diffamatoire, ni la stigmatisation chrétienne qui a empêché ceux qui le désiraient de pratiquer la magie. Bien au contraire, la récurrence des interdictions tend à corroborer le maintien et la fréquence de la pratique2.

dagydeSur le plan historique, politique et législatif, ce qui semble avoir de tout temps inquiété était l’objectif visé par la magie plus que la pratique en elle-même : qu’il s’agisse d’un potentiel agressif envers une personne, ses biens ou son intégrité physique et mentale, ou qu’il s’agisse du maintien de l’ordre dans l’état. Ce sont les doctrines chrétiennes qui durcissent le ton et présentent comme néfastes tous les aspects de la magie, même les plus positifs comme les amulettes de protection et de guérison, et non plus uniquement certaines pratiques, telles que la nécromancie. Comme on le lit chez saint Augustin, la magie peut être envisagée comme un mode de communication à part entière et pose donc la question de l’interlocuteur, qui ne peut être Dieu, puisqu’il s’agit d’anciennes pratiques héritées des païens, et doit donc être un démon.

Dagyde, 4e s, Musée du Louvre
 

En ce qui concerne le magicien et la magicienne, si les portraits dressés dans la littérature nous les présentent comme des personnes savantes, mais marginales, avec un potentiel de puissance effrayant, les papyrus magiques grecs nous mettent en contact avec un public très varié, de la personne maîtrisant à peine l’écriture copiant une amulette – parfois très mal – aux lettrés qui connaissaient la littérature, la médecine, la liturgie, et dont les écrits pointent comme milieux de production des temples et des monastères comme source de la magie écrite.

Néanmoins, si le magicien savant s’est maintenu dans l’imaginaire collectif jusqu’ à aujourd’hui encore, c’est probablement la sorcière puissante et dangereuse, dans son potentiel de désorganisation de l’ordre établi, tant au sein de la famille que de l’État, qui a le plus attisé les fantasmes et marqué les esprits3.

 

Magali de Haro Sanchez
Avril 2016

 


 

 

1 Mauss (1902-1903) 25.
2 Rives (2010) ; Rives (2011).
3 Le devenir de la représentation des sorcières en opposition avec celle des magiciens et des magiciennes fait actuellement l’objet d’une étude dans le cadre du projet international « Les Arts trompeurs. Machine – Magie – Médias ». Un article en collaboration avec Pascal Morchain (Maître de conférences en Psychologie sociale à l’Université de Rennes 2) est actuellement en préparation et les résultats de cette étude seront présentés lors du Congrès des Arts Trompeurs à Cerisy-la-Salle le 22 août 2016.