Magie et récits mythiques, le désespoir amoureux

CirceL’ un des plus anciens portraits de sorcières attesté dans la littérature gréco-romaine est celui de Circé dépeint dans l’Odyssée d’Homère (8e s. av. J.C.). Circé est une déesse grecque, elle vit seule sur l’île d’Ééa, au milieu des bois, entourée de loups et lions, voyageurs qu’elle a transformés autrefois. Après avoir attiré les hommes d’Ulysse chez elle et leur avoir offert un breuvage auquel elle a mélangé des herbes, d’un coup de baguette, en prononçant une formule, elle les transforme en porcs. On trouve donc ici un modèle de sorcière assez familier : utilisant des potions et une baguette, très belle, voire séductrice, et surtout marginale, habitant à l’écart de la société.


John William Waterhouse, Circe Offering the Cup to Ulysses
1891, Gallery Oldham

 

Circe

Ulysse chassant Circe, vase attique env. 440 av. JC
 

Dans ses Idylles, Théocrite décrit des scènes de la vie quotidienne d’Alexandrie au 3e siècle avant J.C et dresse à cette occasion un portrait de magicienne (Idylle 2). Il y présente Simaetha en train d’accomplir un rituel de défixions : ce rite consiste à lier l’être désiré (ici Delphis) à l’opérante. Le processus décrit se rapproche de ce qu’on peut trouver dans les prescriptions des papyrus magiques grecs.

Où sont mes lauriers ? Apporte-les, Thestylis. Où sont les philtres ? Couronne le chaudron avec la laine écarlate d’une brebis, afin que j’enchaîne celui qui cause ma peine, l’homme que j’aime. Voilà douze jours que le misérable n’est pas venu, qu’il ne s’est pas informé si nous sommes morte ou vivante, et qu’il n’a pas frappé à ma porte, le bourreau. Sans aucun doute Éros et Aphrodite ont emporté ailleurs son esprit volage. J’irai demain à la palestre de Timagétos, pour le voir, et je lui reprocherai sa conduite. Aujourd’hui je veux l’enchaîner par des enchantements. Allons, Séléné, brille d’un bel éclat ; car c’est à toi que je veux adresser mes incantations à voix basse, à toi, déesse, et à la souterraine Hécate, qui fait trembler même les chiens, quand elle va le long des tombes et parmi le sang noir. Salut, terrible Hécate, assiste-nous jusqu’au bout et fais que nos enchantements ne le cèdent en rien à ceux de Circé, de Médée et de la blonde Périmède.
Torcol, attire vers ma demeure cet homme qui est à moi.
C’est la farine d’abord que le feu consume. Allons, saupoudres-en le feu, Thestylis. Malheureuse, où ton esprit s’est-il envolé ? Est-ce que, par hasard, toi aussi, scélérate, tu te ris de moi ? Répands la farine, et dis en même temps : « Je répands les os de Delphis. »
Torcol, attire vers ma demeure cet homme qui est à moi.
Delphis m’a jetée dans le chagrin. Moi je brûle ce laurier à l’intention de Delphis ; et comme ce laurier, en prenant feu, crépite avec fracas, comme il s’est brusquement allumé sans laisser de cendre visible, qu’ainsi la flamme réduise en poussière les os de Delphis !
Torcol, attire vers ma demeure cet homme qui est à moi.
Comme moi je fais fondre cette cire avec l’aide de la déesse, ainsi puisse fondre d’amour à l’instant le myndien Delphis ! Et de même que tourne cette roue d’airain sous l’impulsion d’Aphrodite, qu’ainsi cet homme tournoie devant ma porte !
Torcol, attire vers ma demeure cet homme qui est à moi.

Théocrite, Idylles, 2, trad. E. Chambry
 
 

 Figurine de Ptolemaïs

Figurine en terre cuite de Ptolémaïs, fille d’Aïas, petite-fille d’Origènes et tablette de défixion découvertes dans un port en terre cuite
(4e, Antinoé, Égypte). Ensemble E 27145 ABC © Musée du Louvre/C. Larrieu

 

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