Magie et récits mythiques, le désespoir amoureux

Dans l’Énéide Virgile (1er s. av. J.C.), c’est Didon que l’on trouve au livre IV s’adonnant à la magie. Après avoir tenté de charmer Énée pour qu’il reste à ses côtés, voyant que malgré ses efforts celui-ci l’abandonne pour poursuivre sa quête et rejoindre l’Italie, elle lance une malédiction à l’encontre d’Énée et ses descendants, et se donne la mort renforçant ainsi la malédiction. Pour ce faire, elle fait appel à une prêtresse spécialisée.

Mort de Didon

On m’a indiqué une prêtresse de là-bas, femme de race massyle, qui gardait le temple des Hespérides, donnait ses repas au dragon et surveillait les rameaux sacrés dans leur arbre, en répandant le miel liquide et le pavot somnifère. Elle prétend pouvoir par ses charmes apaiser les cœurs, arrêter l’eau des fleuves et rebrousser le cours des constellations (…)
Des autels sont dressés à l’entour ; et, les cheveux épars, la prêtresse appelle d’une voix tonnante les trois cents dieux, et l’Érèbe, et le Chaos, et la triple Hécate, la vierge aux trois visages, Diane. Elle avait répandu aussi des ondes qui simulent la source de l’Averne. On cherche des herbes duvetées, ayant pour lait un poison noir, que des faux d’airain ont moissonné au clair de lune ; (…) Didon elle-même (…) s’il est quelque divinité qui ait cure de ceux qui aiment sans qu’on les paye de retour, elle implore sa justice et sa vengeance.

Virgile, Énéide, IV, 484-520, trad. M. Rat
 Illustration : La mort de Didon. Vergilius Vaticanus.Début du 5e s. Vatican, Bibliothèque Apostolique. Vat. Lat. 3225. F° 41.

 

MedeeLes blessures d’un amour déçu ou inaccessible ont poussé d’autres personnages mythiques à des actes extrêmes. Si Simaetha et Didon pratiquent la magie « en amateur », il est une autre magicienne, nièce de Circé, que la souffrance affective à poussé à commettre l’irréparable : Médée, puissante magicienne, fille d’Eétès (roi de Colchide) et d’une Océanide. Les plus anciens récits mythiques la mettant en scène sont les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes (3e s. av. J.C.), ainsi que par les tragédies d’Euripide (431 av J.C.) et de Sénèque (1er s.). Si elle a mis sa magie au service de Jason pour l’aider dans sa quête de la toison d’or, elle s’en est également servie pour se venger de celui-ci qui l’avait répudiée pour épouser Glaucé (aussi nommé Créuse), fille de Créon roi de Corinthe. Le thème qui nous intéresse plus particulièrement ici est justement celui de cette « Médée furieuse » offrant une robe magique à sa remplaçante qui s’embrase et enflamme le palais avant de tuer ses propres enfants, afin de lancer leurs fantômes à la poursuite de leur père Jason. On voit donc se dessiner ici le paradigme de la sorcière effrayante : femme savante, terrifiante et prête à tous les sacrifices – en ce compris des sacrifices humains – pour arriver à ses fins.

 

Médée tuant son fils, Amphore 4e s av JC
© Musée du Louvre
 

Magali de Haro Sanchez
Avril 2016

 

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