C’est le Terminus. Un endroit qui n’existe pas, ou un endroit qui ressemble peut-être à mille autres, un no man’s land où les hommes qui fuient vont se perdre. Le paysage y est enneigé la très grande majorité de l’année. Le climat est aussi rugueux que ses rares habitants. C’est à côté d’une frontière, dit-on. Peut-être celle qui sépare la civilisation de la sauvagerie. Mais de quel côté se situe-t-on exactement ?
Le premier roman de Stéphane Jolibert (dont on ne sait rien si ce n’est qu’il est présenté comme un bourlingueur enseignant la sémiologie et qu’il habite non loin de la Belgique – un véritable aventurier en somme) –, est un vrai roman de genre. De mauvais genre, faut-il ajouter immédiatement en s’en réjouissant. Toute l’intrigue tourne autour d’une intention (un projet de vengeance que l’on ne se décide pas à accomplir) et d’un tabou (l’interdiction de cogner les filles du Terminus, cet hôtel mi-saloon, mi-bordel qui tient lieu de seule attraction dans ce bout du bout du monde). Brigands solitaires et prostituées aux grands cœurs, videurs violents et tenanciers intrigants, pulsions refoulées et perversions affichées rythment ce roman oppressant, la violence suppliant chaque page de la laisser se déchaîner. La langue de Jolibert, simple, directe et ludique, s’amuse des carambolages de syllabes et fait claquer les dialogues comme du bois mort et sec. Certains évoquent Jim Harrison ou Ron Rash, mais on pense d’abord au cinéma : un film plus froid que Fargo (Coen), plus féroce de Hateful Eight (Tarantino), plus éprouvant que The Revenant (Inarritu).
Et en plus, il y a des loups.
Dick Tomasovic
Stéphane Jolibert, Dedans ce sont des loups, éditions du Masque, 2016, 288 pages.
Lectures pour l'été 2016
Romans, nouvelles et récits fictifs
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