Figure emblématique de l’architecture contemporaine, Charles Vandenhove est à l’honneur en ce mois de mars 2016 ! Constructeur à l’imaginaire fécond, urbaniste, enseignant et collectionneur d’art, il a dirigé d’une main de maître un bureau d’architectes, qui s’est illustré dans des réalisations variées tant en Belgique qu’à l’étranger. Qu’ils s’agissent de nouvelles constructions ou de rénovations, de commandes publiques ou privées, le même souci de perfection a guidé le travail de l’architecte. Revenons sur cette carrière dont les réalisations auront marqué plus d’une génération d’architectes !
Les années de formation
Originaire des Fourons, Charles Vandenhove entame en 1945 ses études à l’école Saint-Luc à Liège. Il y rencontre Lucien Kroll avec qui il poursuit sa formation à l’École nationale supérieure d’architecture de Bruxelles (La Cambre). Tandis que Kroll opte pour l’atelier de Robert Puttmans, Vandenhove choisit celui de Victor Bourgeois, figure majeure du Modernisme de l’entre-deux-guerres en Belgique. Ce dernier l’influencera considérablement. Les deux amis parachèvent leur formation par divers voyages d’études au cours desquels ils rencontrent des architectes de renom tels Auguste Perret, Henry van de Velde et Le Corbusier. Les jeunes diplômés s’associent ensuite en 1951, cinq avant que Vandenhove ne crée son propre bureau.
L’essor
Dès la fin des années 1950, l'architecte honore des commandes publiques qui favorisent sa réputation et qui marquent déjà une première collaboration avec l’Université de Liège. À la demande de cette institution et de la Ville, il édifie en Outremeuse la morgue. Il se charge également de la construction du magasin à livres sur le campus du Sart Tilman ainsi que d’un immeuble pour l’Institut national de l’Industrie charbonnière. À la même époque, il réalise deux habitations privées très similaires : sa propre maison-atelier rue Chauve-Souris et la maison Repriels à Plainevaux.
D’emblée, la production architecturale de Vandenhove présente une cohérence tant dans les effets recherchés tels que la monumentalité ou la sobriété, que dans les moyens mis en œuvre pour les atteindre – emploi du béton préfabriqué et usage de la brique apparente.
Une collaboration intense avec l’Université de Liège
Entamée dès la fin des années 1950, la collaboration entre l’Université et l’architecte s’intensifie avec la création du campus du Sart Tilman. Charles Vandenhove se voit confier non seulement la réalisation du Magasin à livres (1962-1964) et de l’Institut d’éducation physique (1967-1971) mais également, dès 1965, la construction du nouvel hôpital universitaire. Celui-ci s’élève bientôt au sud-ouest du domaine, sur les hauteurs surplombant l’Ourthe, à proximité tout à la fois des facultés d’enseignement et des accès routiers. Il s’agit aujourd’hui de l’un des édifices les plus connus du Sart Tilman et sans doute également de l’un des chefs-d’œuvre absolus de l’architecte, son plus gros chantier aussi.
Le CHU
Chargé d’ériger un complexe moderne, abritant tous les services nécessaires à une médecine de pointe ainsi que des unités de recherche et d’enseignement, Charles Vandenhove conçoit un hôpital composé de 5 tours indépendantes, articulées en étoile autour d’une structure centrale en forme de pyramide tronquée. Bien connue sous le nom de Grande verrière, elle fait l’objet d’un classement depuis 1994.
Soucieux du bien-être des patients ainsi que du corps médical, l’architecte soigne l’organisation de l’espace en veillant aux déplacements ainsi qu’à la luminosité. Il manifeste également un souci constant de la qualité des solutions mises en œuvre que ce soit dans le choix des matériaux (pavés en marbre...), dans le traitement formel des éléments préfabriqués, l’intelligence du système de circulation interne ou dans la minutie des finitions (conception de l’ensemble du mobilier : portes, luminaires, armoires…).
Le CHU de Liège. Photos Paule Legrand - PhotoClub Image ULg
Il entend également humaniser l’hôpital, notamment en introduisant l’art en son sein. Ainsi, le CHU se distingue de la plupart des constructions hospitalières par les interventions d’une dizaine d’artistes. Sollicités par l’architecte lui-même, des plasticiens de renommée internationale, d’origine belge ou étrangère, fournissent les dessins des lambris en tôle émaillée destinés à l’ensemble des couloirs et chambres des deux tours d’hospitalisation et des espaces d’accueil. Ainsi Sol LeWitt, Daniel Buren, Jo Delahaut ou Jacques Charlier, pour n’en citer que quelques-uns, contribuent à faire du CHU un des sites les plus riches de la région liégeoise en matière d’art contemporain.
Vers une reconnaissance internationale
Alors que la construction du CHU se poursuit – l’hôpital sera inauguré après vingt ans de travaux, le 13 décembre 1985 –, la production architecturale de Vandenhove durant les années 1970 se caractérise par divers projets d’habitations à petite échelle. S’y déploie le vocabulaire de l’architecte intégrant non plus des éléments abstraits, comme c’était le cas auparavant, mais des formes empruntées à la fois à l’architecture primitive et à l’architecture classique. La fin des années 1970 est marquée par deux projets tout à fait décisifs menés à Liège et qui le confrontent au patrimoine historique : la rénovation du quartier Hors-Château et la transformation de l’hôtel Torrentius, une demeure du 16e siècle destinée à abriter notamment ses bureaux.
Il faut attendre la seconde moitié des années 1980 pour que la carrière de l’architecte s’ouvre sur l’étranger. Ainsi, à partir de 1986, il conçoit à Paris, dans le quartier de Montmartre, le Théâtre des Abbesses ainsi qu’un immeuble à appartements et une crèche. Mais c’est surtout aux Pays-Bas que l’architecte développe sa créativité : il mène, entre la fin des années 1980 et 2008, plus de vingt projets d’habitation à travers le pays et construit également des bâtiments publics remarquables, tel le palais de Justice de Bois-le-Duc.
Ces dernières années, Vandenhove les consacre à la réalisation de trois projets : un immeuble à appartements, les Terrasses de Saint-Gilles (photo ci-contre), un refuge pour sans-abri à Liège et un pavillon d’art pour l’Université de Gand qui abritera sa collection personnelle constituée au fil du temps selon des choix très personnels.
L'architecte à l'honneur
En ce mois de mars 2016, la brillante carrière de Charles Vandenhove est plusieurs fois célébrée. Tout d’abord, saluons la sortie du film de Jacques Donjean « Charles Vandenhove, architecte de l’art » ce 9 mars au cinéma Sauvenière. Ce documentaire de 52 minutes évoque non seulement l’œuvre-phare de l’architecte, le CHU de Liège, mais donne également la parole à d’anciens collaborateurs ou critiques de l’architecture qui nous éclairent sur la démarche de l’architecte.
Deux publications initiées par le CHU de Liège sortent de presse également dans les prochaines semaines. La première, rédigée par l’historien de l’art Pierre Henrion, est consacrée à Charles Vandenhove tandis que la seconde, réalisée par l’équipe d’Art&fact, se focalise sur les interventions artistiques du CHU tout en offrant un aperçu de l’histoire de la construction du site et de ses spécificités architecturales. Ces deux livrets s’offrent donc tel un diptyque, en toute complémentarité.
Enfin, l’Université de Liège salue également la carrière de Charles Vandenhove puisque ce 19 mars 2016, à l’aube de ses 90 ans, l’architecte liégeois a reçu le titre de Docteur Honoris Causa pour couronner une carrière de plus de 60 ans !
Marie-Sophie Degard
Mars 2016
Marie-Sophie Degard est historienne d'art et membre d'Art&fact
Charles Vandenhove, architecte de l'art (teaser)
Les Terrasses de Saint-Gilles (vidéo)
Voir la présentation du film : Charles Vandenhove, architecte de l'art