Le mardi 8 mars 2016 commencera le séminaire de recherche pluridisciplinaire Les rouages de l’État bourguignon (14e-16e s.). Au fil de quatorze séances1, réparties sur trois années civiles (2016-2018), il rassemblera des spécialistes d’un sujet qui séduit à la fois chercheurs de métier et grand public. Chaque intervenant mettra en évidence les axes de recherche les plus neufs et les plus prometteurs en la matière. Liège, qui fut un sujet de préoccupation presque permanent pour les ducs de Bourgogne, deviendra ainsi, on l’espère, un lieu de rencontre pour tous ceux, historiens, philologues ou historiens de l’art, belges mais aussi étrangers, qui consacrent leurs recherches à l’époque des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, pour le moins cruciale dans l’histoire de l’Europe du Nord-Ouest.
De Philippe le Hardi (duc de 1363 à 1404), premier duc Valois de Bourgogne, à Charles Quint (1506-1555), le plus célèbre, sans doute, des Habsbourg, la vie politique, institutionnelle, économique ou culturelle bourguignonne fut d’une richesse qui n’eut que peu d’équivalents dans l’Europe du temps. Une richesse que les dépôts d’archives et les bibliothèques – Dijon, Lille, Bruxelles et Vienne, pour les plus importants d’entre eux – permettent d’appréhender avec une grande précision. L’histoire des principautés bourguignonnes et de l’État vers lequel elles ont évolué ne cesse de susciter l’intérêt des chercheurs de toute discipline. C’est dans ce contexte des plus favorables que l’équipe « Histoire du Moyen Âge tardif et de la Renaissance » (Transitions. Unité de recherches sur le Moyen Âge & la première Modernité) a mis sur pied un nouveau séminaire de recherche pluridisciplinaire, portant sur les différents fondements de cet État fascinant.
Cette manifestation scientifique vise avant tout à accueillir et à rassembler des chercheurs qui, en Belgique, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et ailleurs, consacrent leurs travaux aux questions bourguignonnes, qu’elles portent sur l’histoire proprement dite, mais aussi sur la littérature, l’art et, plus largement, une véritable civilisation bourguignonne. Il a la volonté de s’inscrire dans le sillage du séminaire qui était organisé, il y a quelques années, aux Archives nationales de France, à Paris, par les professeurs Bertrand Schnerb et Jacques Paviot, et de s’adosser aux travaux menés au sein du Centre belge d’Études bourguignonnes (Université catholique de Louvain et Université Saint-Louis, Bruxelles), le tout sous la bienveillante égide du Centre européen d’Études bourguignonnes dont les rencontres annuelles ont inspiré le séminaire liégeois. Toutes les séances seront construites sur un modèle commun. Pour chaque thème – le premier sera La guerre, dont l’on sait toute l’importance dans l’évolution des sociétés et des structures de gouvernement –, deux spécialistes se partageront la parole. Le premier, modérateur des débats, présentera la bibliographie récente sur le sujet et prendra en charge la gestion des discussions. Le second, principal intervenant, présentera un cas d’étude spécifique – Le contrôle et le paiement des gens de guerre dans les armées des ducs de Bourgogne de la Maison de Valois, en l’occurrence – avant d’exposer un bilan des acquis, l’actualité et les perspectives d’avenir de la recherche portant sur le thème du jour. Viendra enfin un large moment de discussion entre les intervenants et l’assistance sur la communication du jour et, plus largement, la thématique dans laquelle elle s’inscrit.
Sceau de Corneille de Bourgogne, 1447
C’est l’action politique des ducs de Bourgogne qui, traditionnellement, a focalisé l’attention des chercheurs. Cette action politique, dans leurs rapports aux autres dynastes du temps – le roi de France, l’empereur, le roi d’Angleterre –, releva d’une voie moyenne qui fit d’eux des acteurs à part entière de la politique européenne. Tout cela ne manquera pas, évidemment, d’apparaître tout au long du séminaire. L’évolution de la figure ducale vers une autorité quasi souveraine sera envisagée dès l’an prochain. Le prince s’efforça, non sans difficulté et opposition, de rationaliser et de centraliser les institutions de ses États, jadis principautés regroupées au fil du temps, œuvrant à l’un des aspects de ce que l’on qualifie souvent de « genèse de l’État moderne », c’est-à-dire un pouvoir qui se centralise et se concentre entre un nombre relativement réduit de mains. Une dynamique comparable peut être observée dans la législation, cette dernière voyant les ordonnances princières initialement focalisées sur chacune des terres de la principauté bourguignonne se muer en textes à portée générale, applicables à tous ses territoires. En parallèle à ce bouleversement interne, la guerre constitua l’un des outils par lesquels les ducs, d’une part, solidarisèrent leur aristocratie autour de leur personne et, de l’autre, affirmèrent leurs ambitions. Liège n’échappera pas à ces dernières, que ce soit lors de la bataille d’Othée en 1408 ou de ces épisodes qui connurent leur point d’orgue avec le Sac de Liège de 1468. Souvent tentés par des expéditions guerrières, ou contraints à celles-ci, les ducs de Bourgogne n’en menèrent pas moins une politique diplomatique des plus actives, qui conduisit leurs envoyés partout en Europe, et notamment auprès des papes. Car les princes bourguignons s’engagèrent résolument dans la défense de l’Église et de la foi catholique, que ce soit par le biais de croisades, souvent déçues ou davantage préconisées que mises en œuvre, ou de fondations pieuses de toute sorte, telles la chartreuse de Champmol, près de Dijon.
La culture et les arts, auxquels les ducs se montrèrent particulièrement attachés, par goût, mais aussi pour des raisons politiques, furent d’une importance majeure dans la construction de leur image prestigieuse. C’est un véritable « style bourguignon » qui s’imposa ainsi dans tous les domaines artistiques. L’enluminure et la peinture, au premier chef. L’on aura soin de ne pas oublier que c’est à la cour ducale et parmi ceux qui la fréquentèrent que les Van Eyck, Campin et autres Van der Weyden, ces « Primitifs flamands », trouvèrent patrons et protecteurs, et déployèrent toute l’étendue de leur talent. L’architecture et la sculpture furent elles aussi mobilisées pour rehausser le prestige princier. Que l’on songe un instant aux palais de Bruxelles – le Coudenberg – ou de Dijon, parfaites expressions, dans la pierre, du pouvoir ducal. L’écrit fut par ailleurs un vecteur essentiel d’une puissance sans cesse croissante, les ducs et leur entourage accueillant avec une bienveillance intéressée poètes et chroniqueurs, notamment ces indiciaires qui allaient officiellement raconter leur histoire, mais aussi des imprimeurs comme le célèbre Colard Mansion. Enfin, la littérature, en particulier au travers d’une ample production de traités et de libelles, vit jaillir une pensée politique dans laquelle la principauté bourguignonne et son chef trouveront toutes les justifications.
Bruges, Hôtel de Gruuthuse, 15e s. et suivantsL’État bourguignon connaît évidemment plusieurs théâtres d’expression. La cour, bien entendu, où tout un cérémonial, sans cesse plus complexe, organise un microcosme hiérarchisé selon des modalités que Charles Quint exportera en Espagne lorsqu’il héritera des couronnes ibériques. Joutes, pas d’armes et autres banquets rythment le temps tout comme ils permettent au pouvoir de rencontrer les villes. Des cités, qui, même si elles tirent des bénéfices considérables des séjours des ducs en leurs murs, se montreront souvent pour le moins turbulentes, Gand constituant en l’occurrence l’exemple le plus achevé d’une volonté sans cesse réaffirmée d’autonomie. Enfin, dans les communautés rurales également, le plus souvent grâce à l’action des seigneurs locaux, l’influence bourguignonne se fait sentir, tel en Bourgogne ducale où les nobles encouragent le développement des mines de fer.
Toutes les séances du séminaire de recherche pluridisciplinaire Les rouages de l’État bourguignon (14e-16e s.) auront lieu à l’auditoire Grand-Physique (Université de Liège, Place du 20-Août, 4000 Liège), les divers mardis retenus, dès 14h, selon un calendrier que l’on pourra consulter sur http://web.philo.ulg.ac.be/transitions/portfolio-item/agenda/
Pour toute information supplémentaire, prière de contacter jonathan.dumont@ulg.ac.be ou christophe.masson@ulg.ac.be
Christophe Masson, Jonathan Dumont et Alain Marchandisse
Mars 2016
Alain Marchandisse, Jonathan Dumont et Christophe Masson sont chercheurs dans l'Unité de recherche Transitions. Ils consacrent leurs travaux à l'histoire du Moyen Âge tardif de l'Europe occidentale, et plus particulièrement des principautés bourguignonnes. Leurs champs de recherche sont les histoires politique, intellectuelle, militaire, diplomatique, institutionnelle, religieuse et culturelle.
