Louise de Savoie, l'omniprésente mère de François Ier

Louise de SavoieSes enfants furent élevés sous ses yeux, et l’ascendant qu’elle prit dès cette époque sur son fils devint, lorsque ce prince fut monté sur le trône, très préjudiciable à la France. Haineuse, vindicative, avide d’argent non moins que d’autorité et d’hommages, elle sacrifia toujours les intérêts de l’État à la satisfaction de ses passions mauvaises1.

Ces mots, d’une terrible sévérité, sont ceux des frères Firmin Didot, auteurs d’une Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés …, parue en 1850. Ils accablent celle qu’ils évoquent, Louise de Savoie, comtesse puis duchesse d’Angoulême, mère de Marguerite, future reine de Navarre, et de François, futur François Ier. On les comprend mieux quand on sait que l’historiographie du 19e siècle n’a guère apprécié le premier roi Valois, décrit comme un souverain débauché et manipulé par les femmes, sa mère d’abord, sa maîtresse, la duchesse d’Étampes, ensuite. L’année 2015 – qui commémore le 500e anniversaire de l’avènement de François Ier (1er janvier 1515) et celui de sa victoire à Marignan (13 et 14 septembre 1515) – donne l’occasion de revenir sur Louise de Savoie, qui, alors même qu’elle n’a jamais été ni reine, ni reine-mère, fut assurément l’une des personnalités les plus influentes de la première Modernité européenne. 

Anonyme français, Louise de Savoie.
Livre d’heures de Catherine de Médicis
, 1573,
Paris, BnF, ms. nouv. acq. lat. 82, folio 2v
 

En attendant l’heure de son « César » : de la Savoie à la cour du roi Louis XII   

Marguerite FrançoisFille de Philippe, comte de Bresse puis duc de Savoie, et de Marguerite de Bourbon, Louise naît le 11 septembre 1476. À la mort de sa mère, en 1483, elle est envoyée avec son frère Philibert (le Philibert de Marguerite d’Autriche) à Amboise, où leur tante, la régente Anne de France, bibliophile et femme de pouvoir avisée, se charge de leur éducation. Le 16 février 1488, alors âgée de douze ans, elle épouse Charles d’Orléans, comte d’Angoulême et chef d’une branche cadette de la maison de Valois. Elle s’installe à Cognac, où naîtront Marguerite (le 11 avril 1492) et François (le 12 septembre 1494).

Atelier de Jean Clouet, Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre. Recueil Mariette-Walpole, dessin original perdu daté de 1525, Knowsley, Derby collection, inv. W 418, folio 6r -  Atelier de Jean Clouet, François Ier, roi de France. Recueil Mariette-Walpole, dessin original daté de 1524, Knowsley, Derby collection, inv. W 418, folio 2r
 
 

La cour de Cognac est modeste mais les lettres y trouvent néanmoins une place de choix : les époux d’Angoulême enrichissent la bibliothèque familiale, ils soutiennent aussi le travail des frères Jean et Octovien Saint-Gelais, du copiste Jean Michel ou celui de l’enlumineur Robinet Testard. À la mort précoce de Charles, en janvier 1496, Louise est trop jeune pour disposer seule de la tutelle de ses enfants (elle a dix-neuf ans, or, l’âge légal minimum de tutelle est de vingt-cinq ans). Dès lors, après avoir vainement essayé de s’y opposer, elle est contrainte d’accepter le partage de cette tutelle avec Louis d’Orléans, le plus proche parent mâle de François et de Marguerite, qui, en 1498, à la mort inattendue de Charles VIII, devient le roi de France, sous le nom de Louis XII.

DamePrudenceEn 1499, après avoir créé le duché de Valois pour François – devenu l’héritier présomptif de la couronne –, Louis fait venir Louise à la cour, avec ses enfants. La comtesse veille à leur éducation : elle suscite leur intérêt pour la littérature et les arts ; elle apprend l’italien et l’espagnol à son fils ; elle commande et reçoit, pour soutenir cette entreprise, plusieurs ouvrages manuscrits et imprimés, spécialement des livres d’histoire et de dévotion. Les sources du temps – qui comparent sans cesse Louise à Dame Prudence – ne manquèrent d’ailleurs pas de souligner la qualité de cette éducation, à laquelle François Demoulins de Rochefort contribua également : alors même que François maîtrisait peu le latin et le grec moins encore, ses contemporains le considéraient comme un prince instruit, tandis que Marguerite était estimée comme particulièrement lettrée.

En 1506, Louis XII annonce les fiançailles de sa fille, Claude, avec François. De son côté, en 1508, Marguerite épouse le duc d’Alençon. Le 3 août 1508, François quitte sa mère pour s’installer en permanence à la cour. Louise retourne à Cognac, attendant – avec grande anxiété, comme le rapporte son Journal, un texte qu’elle conçoit visiblement comme une carte astrologique – l’avènement de son « César ». Le soulagement survint en janvier 1515.

 François Demoulins, Traité sur les vertus cardinales,
1510, Paris, BnF, ms. fr. 12247, folio 4r

 

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