Con el tebeo titulado Un certain Cervantès (Cierto Cervantes), publicado en marzo de 2015, el francés Christian Lax se inspiró en Lost in La Mancha para proponer una adaptación de Don Quijote en el mundo contemporáneo. Tras ingresar el ejército estadounidense, no por patriotismo sino para evitar los problemas que le acarreaba su cultivo de marihuana, Mike Cervantès es capturado por los talibanes. Durante su cautiverio, los intentos de evasión y los maltratos se suceden. De vuelta a Estados Unidos, el veterano de Afganistán se reintegra difícilmente en una sociedad incomodada por los traumas de sus soldados. Entre violencia y depresión, Mike acaba por destruir una sucursal bancaria, símbolo de este ultra-liberalismo que destroza la vida de su entorno. En la cárcel en la que purga su pena, Cervantès se entera por casualidad de la existencia de su famoso homónimo, autor de cierto Don Quijote cuya lectura emprende el exsoldado. La novela española representa para él una verdadera revelación: Mike decide convertirse en un nuevo Quijote, defensor de los oprimidos y enemigo de todas las formas de injusticia. El protagonista empieza entonces un roadtrip épico en el que lo acompaña un emigrante peruano rebautizado Sancho. En esta recreación del clásico de la literatura española, es patente la fusión que se opera, a través del personaje de Mike, entre Don Quijote, héroe literario, y Cervantes, autor real. Tanto la criatura literaria como su creador se presentan como figuras que siguen rebelándose contra las circunstancias adversas a pesar de sus repetidos fracasos. Además, a la vez que se empeña en encarnar al caballero de la triste figura, Mike resalta a menudo los paralelismos entre su vida y la del autor español: ambos son veteranos mancos que frecuentaron las cárceles del Medio Oriente y de su propio país. Es interesante constatar que la confusión que siente el protagonista entre su propia historia y la de Cervantes contamina al lector gracias a la composición de algunas láminas que mezclan sutilmente episodios del siglo XVII y representaciones de nuestra época. Durante su transformación voluntaria en un nuevo caballero andante, Mike conversa por lo demás con el fantasma de Cervantes, al que considera como su guía espiritual, y fantasea al mismo tiempo las aventuras del Quijote, que eleva al rango de activista modelo. El protagonista de Lax empieza así, poco a poco, a considerarse como la síntesis de las personalidades de Don Miguel y su héroe. |
Avec la bande-dessinée intitulée Un certain Cervantès, publiée en mars 2015, le Français Christian Lax s’est inspiré du film Lost in La Mancha afin de proposer une adaptation de Don Quijote dans le monde contemporain. Après avoir intégré l’armée américaine, non par patriotisme mais dans le but d’éviter les problèmes que lui causait sa culture de marijuana, Mike Cervantès est capturé par les talibans. Durant sa captivité, les mauvais traitements succèdent aux tentatives d’évasion. De retour aux États-Unis, le vétéran d’Afghanistan se réintègre difficilement au sein d’une société qui préfère oublier les traumatismes de ses soldats. Entre violence et dépression, Mike finit par détruire une succursale bancaire, symbole de cet ultralibéralisme qui broie la vie de son entourage. Dans la prison où il purge sa peine, Cervantès apprend par hasard l’existence de son fameux homonyme, auteur d’un certain Don Quichotte dont l’exsoldat entreprend la lecture. Le roman espagnol lui apparaît comme une véritable révélation : Mike décide de devenir le nouveau Quichotte, defenseur des opprimés et ennemi de toutes les formes d’injustice. Le protagoniste amorce alors un roadtrip épique au cours duquel il sera accompagné par un émigrant péruvien rebaptisé Sancho pour l’occasion. Dans cette recréation d’un classique de la littérature espagnole, une fusion est opérée, à travers le personnage de Mike, entre Don Quijote, héros littéraire, et Cervantès, auteur réel. En effet, tant la créature littéraire que son créateur sont présentés commes des figures qui ne cessent de se rebeller contre les circonstances adverses en dépit de leurs échecs sucessifs. De plus, alors même qu’il s’obstine à incarner le chevalier à la triste figure, le héros de Lax souligne également les parallélismes entre sa vie et celle de l’auteur espagnol: tous deux sont des vétérans manchots ayant fréquenté les prisons du Moyen Orient ainsi que celles de leur propre pays. Il est par ailleurs intéressant de constater que la confusion ressentie par le protagoniste entre sa propre histoire et celle de Cervantès tend à contaminer le lecteur à travers la composition de certaines planches qui mêlent subtilement des épisodes du 17e siècles à des représentations de notre époque. Durant sa transformation volontaire en un nouveau chevalier errant, Mike converse par ailleurs avec le fantôme de Cervantès qu’il considère comme son guide spirituel, et rêvasse à partir des aventures du Quichotte, qu’il élève au rang d’activiste modèle. Le protagoniste de Lax commence ainsi, peu à peu, à se considérer comme la synthèse des personnalités de Don Miguel et de son héros. |
La identificación de Mike con Don Quijote empieza, pues, con el descubrimiento de una novela, y se asemeja luego a un trastorno casi esquizofrénico. Como ocurre en el texto de Cervantes, es la lectura de una ficción lo que provoca un cambio de conducta por parte del protagonista, a quien los demás personajes tachan de loco. El tebeo de Lax se construye así en una interesante puesta en abismo: es la lectura de Don Quijote lo que transforma a Mike en Quijote. No obstante, la locura de Mike Cervantès no surge exclusivamente de la novela cervantina, sino que también hunde sus raíces en el trauma de la guerra y los abusos de una sociedad estadounidense que Christian Lax retrata de una forma desilusionada y mordaz. Al igual que la de su antepasado literario, la locura de Mike huele a subversión: sus andanzas por los paisajes desérticos de Arizona, cuya representación gráfica no deja de recordar al lector los campos de Castilla dibujados por Gustave Doré1, le dan ocasión de atacar las inquisiciones contemporáneas. La locura de Mike raya de este modo en el militantismo y el compromiso social: entre los fenómenos liberticidas que decide combatir, se pueden mencionar la crisis económica, el racismo, los integrismos religiosos, el totalitarismo financiero, las inútiles y devastadoras cruzadas estadounidenses en el Medio Oriente, la indigencia, la censura y el Big Brother que representa internet. |
L’identification de Mike à Don Quichotte commence, dès lors, avec la découverte d’un roman, et s’assimile ensuite à un trouble presque schizophrénique. De même que dans le texte de Cervantès, c’est ici la lecture d’une fiction qui provoque un changement comportamental de la part du protagoniste, que les autres personnages taxent de fou. La bande-dessinée de Lax est ainsi construite en une intéressante mis en abyme : c’est la lecture de Don Quichotte qui transforme Mike en Don Quichotte. La folie de Mike Cervantès ne surgit toutefois pas exclusivement du roman cervantin, mais puise également dans le traumatisme de la guerre et dans les abus d’une société américaine que Christian Lax dépeint de façon aussi désenchantée que mordante. En effet, tout comme celle de son ancêtre littéraire, la folie de Mike a un parfum de subversion : ses aventures à travers les paysages désertiques de l’Arizona, dont la représentation graphique n’est pas sans rappeler au lecteur les champs castillans dessinés par Gustave Doré2, lui donnent l’occasion d’attaquer les inquisitions contemporaines. La folie de Mike frise dès lors le militantisme et l’engagement social : parmi les phénomènes liberticides qu’il décide de combattre, nous pouvons citer, entre autres, la crise économique, le racisme, les intégrismes religieux, le totalitarisme financier, les inutiles et dévastatrices croisades américaines au Moyen-Orient, l’indigence, la censure et le Big Brother que représente internet. |
Sin caer en la crítica generalizada y pesimista, el relato de Lax, a imitación de su modelo cervantino, mezcla la sátira con un humor agridulce, particularmente a través de la transposición de algunos de los episodios más emblemáticos de la locura quijotesca: en Un certain Cervantès, no son carneros sino moteros lo que Mike confunde con ejércitos y Rocinante no es una yegua demacrada sino un rutilante Mustang de 1971. Con su último tebeo, Christian Lax reinterpreta por tanto la célebre locura del Quijote: la confusión entre ficción y realidad provocada por la lectura da lugar a una reflexión sobre el papel que puede desempeñar el arte como fuente de compromiso en la vida real. En este relato gráfico, locura se presenta como la única forma de mirar al mundo de forma lúcida y de pasar de la mera crítica a la acción.
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Sans tomber dans une critique généralisée et pessimiste, le récit de Lax cherche, comme son modèle cervantin, à mêler la satire à un humour aigre-doux, notamment à travers la transposition de quelques-uns des épisodes les plus emblématiques de la folie quichottesque : dans Un certain Cervantès, ce ne sont, par exemple, pas des moutons mais des motards que Mike prend pour des armées ; quant à Rossinante, il ne s’agit plus d’une jument décharnée mais d’une rutilante Mustang de 1971. Avec sa dernière bande-dessinée, Christian Lax réinterprète ainsi la célèbre folie du Quichotte : la confusion entre fiction et réalité provoquée para la lecture donne lieu à une réflexion sur le rôle que l’art peut jouer en tant que source d’engagement dans la vie réelle. Au cours de ce récit graphique, la folie se présente de même comme la seule façon de porter un regard lucide sur le monde et de passer de la simple critique à l’action.
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Jéromine François
Octobre 2015
Jéromine François est chercheuse FNRS au Service de Langues et Littératures hispaniques de 'lULg. Ses recherches doctorales portent sur la recréation contemporaine de La Celestina, classique de la littérature espagnole de la fin du Moyen Âge.