題材として、あるいは創作を駆り立てるものとして / La folie dans la littérature japonaise

Akutagawa日本文学における狂気について―題材として、あるいは創作を駆り立てるものとして

日本文学と「狂気」は切っても切れない関係である。古典から現代作品に至るまで、世代を超えて人々の記憶に残る作品には、必ずと言っていいほどなにがしかの狂気の匂いがする。魅力的な登場人物はみんなすこし精神のバランスが危うい(村上春樹の「ノルウェイの森」や小川洋子の「ことり」、「凍てついた香り」など)。また一見穏やかな日常を送っている登場人物の内部にこそ静かな狂気がふつふつと沸いていることが多いのは、日本文学の特徴の一つと言ってよいだろう。

日本最古の物語「源氏物語」に登場する六条の御息所という女性は、かなわぬ不倫の恋の恨みが屈折して爆発し、生霊となる。その生霊は毎晩彼女の身体を飛び出し、ライバルの女性(葵の上、夕顔など)に取り憑いて弱らせ、死に至らせる。恐ろしくも典型的な恋の狂気である。女の恨みは怖いのだ、と読者はギョッとしつつも楽しくこの章を読むだろう。

しかし、六条の御息所の狂気の物語は、当時の読者たちにとって、良心の呵責を呼び起こす題材であったかもしれない。光源氏に代表されるような、一人の男性に複数の女性がかしずく当時の恋愛の風潮は、女性にとって非常に生きにくい社会制度だったということを、この物語は語っているからである。平安時代の朝廷特有の一夫多妻制は女性の苦しい精神状態を生み出し、それはやがて狂気へと発展していく。これは、単なる芸術の題材として鑑賞するだけではなく、社会制度のひずみの検証として読むべきであるものであるかもしれないのだ。

さて、日本文学における狂気にはもうひとつ特徴的な傾向がある。作者、語り手自身が、登場人物という虚構のフィルターを通さずに直接自らの狂気の体験を綴るという、いわゆる私小説の系譜をくむ小説やエッセイの存在である。自らの狂気体験、あるいは狂気へと進んでいく自身の不安定な精神状態を詳細に記す詩人や小説家は少なくない。

ogawa murakamiここでは代表的なものとして、芥川龍之介の「歯車」を挙げておく。この作品は芥川が自ら命を絶つ直前まで執筆されており、未完にして遺作であるが、作者自身が狂気の領域へと突き進んでいくことへの不安が淡々と綴られている。芥川は幼少時に精神を病んだ母を亡くし、叔父夫婦の家に養子として引き取られて育てられた。その体験が芥川の生涯に大きく暗い影を落としていたようで、35歳で生涯を閉じるまで、自分が母とおなじ道をたどるのではないかという恐れに悩まされていたようだ。

芥川の「歯車」に代表される、自己と向き合い、人生のネガティブな面や社会の問題点に焦点をあてて綴られる苦渋の告白とも言えるような作品を読むとき、読者は何を思い、何を作者のメッセージとして受け取るのであろうか。

 芥川の、自らの狂気への傾向を見つめる文章は、毎晩葵の上の首を絞める六条の御息所の苦悩を綴った文章とは性質が違う。前者の場合、読み手と書き手の距離は限りなく近づく。「歯車」を読む読者は、すべての人間存在の深部に潜む狂気への傾向に気づき、身震いする。それは自分自身の闇を知ること、そしてその闇との付き合い方について考えることにつながる。一方、嫉妬の炎にさいなまれて相手を呪う六条の御息所のありさまは、読者を怖がらせ、面白がらせる。この時の読者は、完全に鑑賞対象としての「狂気」を享受しているのであるから。

 

大江健三郎は「話して考える(シンク・トーク)と書いて考える(シンク・ライト)」の中で、数年にわたるうつ病に打ち克ったアメリカの作家ウィリアム・スタイロンの例を挙げ、「うつ病や狂気を実際に体験したことのない人間は、決してそのことについて書くことはできない」と述べている。大江は、多くの作家は自分も他の芸術家たちのように精神を病むのではないかという不安に悩まされながら創作活動を続ける傾向があることも指摘する。狂気の状態へと到達する自分を想像するのは恐ろしいが、未だ見ぬ自分自身の一面を発見することへの興味は否定できない…こんな二面性も、また人間のもつ特性の一つであるのだ。狂気と正気は紙一重であるということを、日本の読者はよく承知している。それは「源氏物語」の時代から途切れなく、日本の文学作品が狂気をめぐる題材や考察を提供してきたからにほかならない。

 

 後藤加奈子 

 

D’un sujet de création à un sujet qui incite à créer – la folie dans la littérature japonaise

Quelle est la raison, voire le besoin, de créer un texte littéraire ? La raison de la création peut être une émotion à partager, un paysage à immortaliser, une mémoire à graver ou bien un compte à régler. Quoiqu’il soit le déclencheur de la création, il y a, au fond de toute création littéraire, l’envie de transmettre le message. Celle-ci étant tellement forte que l’auteur ne peut garder pour lui-même, tellement débordante qu’elle finit par jaillir.

Lorsque l’on se penche sur cette « envie » de créer, pour en savoir plus sur le fonctionnement, une chose intéressante mérite d’être soulignée. Cette « envie » de créer est souvent poussée par une pulsion, intense et puissante, que l’auteur ressent. Parfois, cette « pulsion » finit par proposer une histoire avec des personnages qui ont des comportements non ordinaires, qui peuvent être souvent considérés comme « folie ».

GenjiDans d’autres cas, la pulsion ressentie par l’auteur s’avère plus directe et pour ainsi dire plus « urgente », de sorte qu’elle ne passe plus par le filtre de la création littéraire. Et le récit d’apparaître, tel un témoignage, dans le corps même du texte et cela sans passer par la peau d’un personnage. Le texte ainsi tissé ressemble plutôt à un monologue intérieur d’une personne qui s’observe en tant qu’être fragile et sensible, qui est en train de s’enfoncer dans un état d’esprit extrêmement aigu et inquiétant que l’on pourra de nouveau qualifier de « folie ».

La littérature japonaise est très riche en matière de « folie », tant pour la première catégorie (la folie mise en œuvre, à l’aide des personnages, comme sujet de littérature) que la deuxième (l’état de la folie qui s’interroge sur elle-même et qui en témoigne sous forme d’un récit). Les romans qui présentent des parcours inquiétants – et d’autant plus attachants – de leurs personnages sont nombreux. Dès le premier grand récit littéraire du 11e siècle, Genji Monogatari (Le Dit de Genji), présente des exemples très parlants à ce sujet. Le plus célèbre exemple est la folie issue de la jalousie amoureuse retenue et repoussée à l’extrême de la Dame de la sixième avenue (Le Dit de Genji, 9e chapitre).

GengiTourmentée par l’amour impossible avec le prince Genji, l’âme de cette dame sort de son corps tous les soirs pendant son sommeil, se déplace jusqu’au domicile de sa rivale… pour l’étrangler ! Tous les matins, quand cette dame jalouse se réveille, elle ne se souvient de rien de ce que son âme a fait, à son insu. Un matin, elle apprend une terrible nouvelle : sa rivale s’est éteinte peu après avoir accouché d’un garçon. Selon les rumeurs, la victime était étranglée et tourmentée par quelqu’un d'invisible depuis de nombreux jours. La Dame de la sixième avenue se reconnaît soudainement, étant terriblement jalouse de la femme qui vient de décéder et est terrorisée par sa propre folie forgée par la rancune due à l’amour sans avenir. Étant effrayée par son propre état de folie qu’elle ne contrôle guère, elle décide de se retirer du monde de la cour et de se consacrer au service religieux.

Ce genre d’épisode a dû être inséré dans le but de pimenter l’histoire d’amour de la cour japonaise de l’époque (le lectorat se constituait de la population aisée de la cour impériale de Kyoto). S’il y a un second but – ou probablement ce serait même le premier objectif – , il serait de décrire, de témoigner et d’avertir que la pression de la (haute) société, qui permet à ce genre de  polygamie d’exister au détriment du bien-être de femmes aimées ou délaissées, est susceptible d’engendrer un tel « résultat », une telle « conséquence ». Le lecteur aurait souri d’une part, mais d’autre part, il aurait reconnu que ces faits existent non seulement dans la fiction, mais bien également dans la vie réelle.

murakami ogawaDans des romans japonais contemporains à notre époque, les personnages « différents » et « fragiles » sont très présents aussi. Ils sont presque indispensables comme point de démarrage de l’intrigue ou comme l’élément qui constitue un tournant important dans l’évolution de l’histoire. Les personnages des romans de Yoko Ogawa (Petits Oiseaux, Parfum de glace, Hôtel Iris…) et ceux de Haruki Murakami (Ballade de l’impossible, Kafka sur le rivage …) représentent souvent l’univers qui chevauche sur les deux réalités : sur l’un côté, que l’on considère comme « monde réel » et sur l’autre, que l’on pourrait appeler « un autre monde » (comme l’année 1Q84 (Haruki Murakami) par rapport à l’année 1984). Le mal-être vécu par ces personnages « différents » ou l’étonnement et la gêne ressentis par leur entourage qui se dit « normal » viennent du fait que la communication entre les deux univers se passe difficilement. Ou bien, il existe des codes bien spécifiques pour passer d'un côté à l’autre, qui déstabilisent les habitants de l’univers de « ce côté-ci » (le monde que l’on croit « normal »), tandis que pour les habitants de l’univers « autre », ces codes sont bien naturels et même évidents.

L’on constate que ce genre de malaise, décalage, mystère et incompréhension… constitue une grande partie de l’inspiration créative de l’auteur. Et le lecteur se laisse entraîner dans le jeu, juste le temps de la lecture, en se disant que c’est du roman, c’est très intéressant puisqu’il s’agit d’une fiction et qu’il ne le concerne pas directement.

Pour ce qui est de l’autre catégorie de la folie qui existe dans la littérature japonaise, il convient de mentionner un courant littéraire bien particulier paru au début du 20e siècle, qui est la tendance de «Romans de moi» (watakushi shosetsu). Inspiré en partie par les romans naturalistes français, les écrivains japonais de l’époque, surtout après le tourbillon de l’ouverture du pays vers les pays étrangers (depuis 1868), ont produit de concert des récits qui parlent de soi. À travers leurs romans ainsi autobiographiques, beaucoup d’auteurs se livrent à de confessions de mal-être lié à la société qui change rapidement, ou bien à la solitude de l’homme en société en général. Quelques-uns de ces « romans de moi » décrivent que les narrateurs (les auteurs) souffrent de leurs propres états d’esprits susceptibles de décliner vers l’autre univers –  vers la folie –, due à la pression de la société ou à l’histoire de famille compliquée, ou à d’autre problèmes matériels ou psychologiques.

AkutagawaUn exemple frappant de ces récits confessionnels est celui de Ryûnosuke Akutagawa (1892-1927), connu sous le titre Engrenage (Haguruma) (1927). Cet écrit romancé est inachevé et posthume, il décrit de manière lucide et minutieuse la crainte et la rapidité avec laquelle Akutagawa se sentait avancer vers la folie. Akutagawa avait une mère qui est devenue folle peu après sa naissance, il a donc été élevé par son oncle et sa tante comme enfant adoptif. Angliciste de formation, et repéré par Natsume Soseki pour son talent d’écrivain, il publiait dès l’âge de 23 ans des nouvelles, inspirées de contes traditionnels et reconstituées de manière convaincante à la manière qui lui est propre. Son talent était incontestable aux yeux de beaucoup de critiques littéraires. Toutefois, malgré son succès, le jeune écrivain se laisse de plus en plus hanter par l’histoire de sa famille, jusqu’à ce qu’il soit convaincu qu’un jour, comme sa mère, il devait tourner fou. Les dernières années de son existence (il est décédé à 35 ans), il souffrait de divers problèmes de santé et son obsession de « devenir fou un jour », sans parler de divers problèmes familiaux qui lui pesaient littéralement. Akutagawa, dans ses derniers écrits, gardait les traces de son état d’esprit désespéré et tourmenté par la crainte du caractère héréditaire de sa fragilité psychologique et cela, de manière parfaitement lucide. Toutefois, les dernières pages d’Engrenage nous laissent sans voix, celles-ci annonçant de manière très précise son départ volontaire.

Face à ce genre de récit confessionnel, le lecteur se demande si l’auteur voulait se faire remarquer par son discours paranoïaque et mégalomane ou s'il voulait réellement faire part de sa souffrance du point de vue neutre du narrateur d’un roman. La réponse est sans doute entre les deux.

Si le thème « folie » est un sujet classique dans la littérature japonaise, cette « folie » existe tant comme « contenu qui est décrit » que comme « sujet qui écrit ». Les deux catégories se confondent parfois, et cela ne dérange ni effraie les lecteurs japonais.

Afin de clôturer cette brève étude, il convient de nous demander : pourquoi le thème « folie » a-t-il autant de succès ? Les réponses seront multiples, et il y a au moins un constat : la folie, décrite dans la littérature, passionne le lecteur. Surtout quand il s’agit de « la folie des autres ». Nous avons affaire ici à un véritable effet que la littérature apporte comme exutoire, pour mieux montrer et mieux « digérer » un fait social inquiétant et problématique – l’existence de la folie.

Dans le cas de récits confessionnels autour de la folie, ce n’est pas la « folie des autres » qui intéresse et stimule le lecteur. L’auteur de ce type de récit, qui s’observe comme un être sensible qui penche vers la force autodestructrice, ne laissera pas le lecteur dans une position confortable du spectateur qui a besoin d’une distraction. La distance narrative entre l’auteur et le lecteur devient de plus en plus étroite et cela déstabilise le lecteur, puisque l’effet de fiction y est moins présent et le récit lui-même incite le lecteur à réfléchir – comme étant quelqu’un qui est, lui aussi, susceptible de se trouver dans cet état d’esprit « différent » dans des circonstances particulières –  le désespoir à propos de la société qui l’entoure, les issues possibles de cet état sombre, et après tout, le besoin de transmettre tout cela par écrit. (Ce denier constitue effectivement l’un des buts fondamentaux de la création littéraire -  la catharsis.)

Ôe Kenzaburô, citant l'écrivain américain William Styron (qui avait surmonté ses périodes dépressives), dit qu’un romancier ne peut inventer des histoires des personnages dépressifs si lui-même n’a pas vécu la dépression dans sa propre vie. Ôe dit également qu’en tant qu’écrivain, et en se comparant à son entourage artiste, il a toujours ressenti la vague crainte comme Akutagawa d'un jour sombrer dans la folie. Il est effrayé par l’idée, tout en étant curieux de ce côté sombre et « autre » qu’il contiendrait certainement en lui-même, et qu’il ignore encore.

La folie existe en chacun de nous, tant chez l’auteur que chez le lecteur. Ce fait est indéniable et impossible à éliminer. S’il y a au moins un rôle que la littérature joue dans la société, c’est bien celui de mise en fiction, d’avertissement et sans doute même de désensibilisation des états extrêmes que l’être humain comporte en lui-même.

 

Kanako Goto
Octobre 2015

crayongris2Kanako Goto enseigne la langue, la littérature et la civilisation japonaises à l'Université de Liège. Elle s'intéresse à divers aspects de la création et la transmission interculturelle de l’œuvre littéraire, notamment à travers la traduction.