Nicolas Luçon, habile metteur en scène de Blanche-Neige et de L’Institut Benjamenta, s’attaque à une nouvelle création en s’appuyant cette fois sur l’œuvre, inclassable et hors norme, de l’auteur polonais S. I. Witkiewicz. C’est La Poule d’eau, pièce écrite en 1921, qui fournira l’essentiel de l’inspiration. Edgar Walpor, le personnage central, est un homme dévoré de doutes. Malgré tous ses efforts, il ne parvient jamais à l’intuition d’un sens susceptible d’unifier le chaos de son expérience. Amour, profession, famille, tout semble partir en vrille. Les aléas de son parcours ressemblent par instant à ceux qu’on pourrait rencontrer chez Tchékhov ou Dostoïevski, si ce n’est que chez Witkiewicz, la narration subit des distorsions étranges, des boucles, des convulsions, qui donnent au spectateur l’impression d’observer Walpor non pas de l’extérieur, mais étrangement, de l’intérieur. Autour de lui, une série de personnages hauts en couleur composent le tableau d’une société hilarante mais déboussolée. On a affaire ici à un théâtre « déboîté » : on joue avec tous les éclats d’un monde brisé, avec tous les éclats d’un sens brisé – et l’on s’y coupe. On joue, on rigole bien, mais on saigne.
Au Théâtre de Liège du 18 au 24 octobre