Cela commence comme un roman de Charles Dickens: une enfance misérable à Londres, combat permanent contre la faim, et le froid en hiver. D'ailleurs, la couverture de mon exemplaire (en anglais) porte la mention «a sad book ... attimes almost unbearable with the weight of loss». On est pourtant loin d'Oliver Twist, et encore plus loin des Misérables car notre héros, William Thornhill, est soutenu par son amie d'enfance Sal (Sarah), qui deviendra sa femme. La petite famille parvient, avec beaucoup d'efforts et d'astuce, à passer de la misère à la simple précarité quand un hiver plus rude incite William Thornhill à commettre un vol. Il est condamné à mort mais avec l'aide de sa femme il échappe à la potence; les époux sont déportés en Australie, alors colonie pénitentiaire. La vie dans les environs de Sydney n'est pas facile mais William peut reprendre son métier de batelier, avec plus de réussite qu'à Londres.
La famille suit l'exemple de Thomas Blackwood, un «convict» plus ancien, qui explore le «fleuve secret» (la rivière Hawkesbury). Blackwood comme les Thornhill obtiennent du gouverneur leur amnistie et l'octroi de domaines au
bord de cette rivière. Ils découvrent la vie de fermiers ... et le voisinage inquiétant des Aborigènes, pas forcément hostiles mais tellement différents. Cela induit de multiples mésaventures mais surtout une réflexion profonde sur la difficulté de réellement comprendre autrui. Comment vivre au voisinage d'indigènes auxquels le concept de propriété privée est complètement étranger? Comment concilier le point de vue de William Thornhill qui voit l'accès à la propriété comme le but ultime de sa vie, et le point de vue de Sal, qui ne voit là qu'une étape avant le retour à Londres?
Ce livre est-il un roman d'aventures, un récit de voyage, une histoire d'amour, une étude psychologique? Il est tout cela, au meilleur niveau, et donc à recommander sans réserve, ainsi que ses suites Le lieutenant et Sarah
Thornhill.
Pascal Gribomont
Kate Grenville, Le fleuve secret, trad. Mireille Vignol, Éditions Métailié, 2010, 300 p.Retour à la liste des Romans et nouvelles
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