Jennifer Lesieur, Alexandra David-Néel

LesieurVoici une biographie qui se lit comme un roman, plein de rebondissements et d’aventures à travers le monde, qu’on aurait peut-être qualifiées d’invraisemblables, si on les trouvait dans une œuvre de fiction. Avec une écriture fluide et particulièrement vivace, la journaliste Jennifer Lesieur, déjà bien rôdée dans l’art de raconter la vie de personnages célèbres, esquisse un portrait à la fois intimiste et aussi objectif que possible, grâce à la solide documentation textuelle, de la première Européenne qui en 1924 a pu entrer dans Lassa, la capitale interdite du Tibet, déguisée en mendiante indigène.

Alexandra David-Néel (1868-1969), enfant unique d’un père révolutionnaire français et d’une mère bourgeoise belge a mené une existence surprénante, à facettes multiples. Chanteuse lyrique, éprise de liberté, de voyages, d’égalité entre tous les êtres humains, de spiritualité et de cultures exotiques, elle épouse sur le tard à Tunis l’ingénieur Philippe Néel. En fait, il sera davantage son complice lointain, soutenant ses longs périples en Asie, qui la transformeront en une orientaliste éminente de renommée mondiale.

Avide de connaître autant en théorie qu’en pratique la culture et les diverses croyances de l’Afrique du Nord, de l’Inde, du Tibet, du Népal, de la Corée, de la Chine, de la Mongolie, du Japon, notre héroïne passe plusieurs années à sillonner par tous les moyens possibles ou impossibles ces contrées, cueillant au passage des informations, des initiations, des expériences multiples, qu’elle raconte non seulement dans son journal et dans sa correspondance constante avec son mari, mais aussi dans des nombreux ouvrages et articles savants, ainsi que des traductions commentées inédites d’anciens textes sacrés. En même temps, de près ou de loin, les grandes guerres qui ont déchiré le 20e siècle grondent et on s’aperçoit, en arrière-plan de cette vie mouvementée, de leur impact funeste sur tous les pays du monde.

Grâce au dévouement de sa secrétaire Marie-Madeleine Peyronnet, sa correspondance et d’autres écrits furent publiés même après la mort de l’exploratrice centenaire. Il existe également une fondation qui porte son nom, dans la maison qu’Alexandra David-Néel a occupé pendant les dernières années de sa vie, à Digne-les-Bains, fonctionnant comme un musée qu’on peut visiter.

Ce qui marque surtout, je pense, dans cette biographie, c’est le message de courage et de détermination avec lesquels chacun se doit de suivre sa propre vocation, même quand celle-ci sort complètement des sentiers battus. Alexandra elle-même avait choisit comme sa devise une citation de l’Ecclésiaste : « Marche comme ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux ».

 

Aikaterini Lefka

 Jennifer Lesieur, Alexandra David-Néel, éditions Gallimard, coll. Folio, Biographies, 2013, 292 p.
 
 

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