Hubert Reeves, Je n’aurai pas le temps. Mémoires

ReevesLorsque Hubert Reeves, répondant à l’invitation d’Arthur Haulot, était venu à la Biennale de Poésie de Liège (1986), nous avions apprécié son charisme, son art de rendre accessible aux plus (scientifiquement) démunis (dans mon genre) les choses les plus mystérieusement compliquées du cosmos. Alors nous avions lu avec délices Patience dans l’azur (1981) et Poussières d’étoiles (1984).

Revoir Hubert Reeves à la Foire du Livre en 2015, patienter dans la (très longue) file. Juste après sa conférence, il accepte encore de dédicacer ses ouvrages. L’homme a 82 ans, cheveux longs et barbe blanche soulignent ses petits yeux bleus, il semble fatigué. Mais dès que j’évoque Liège et la poésie, un sourire malicieux éclaire son visage. Je n’ai plus honte de lui présenter une pile à signer : pour mon mari, pour mes petits-enfants…

Je n’aurai pas le temps est son autobiographie, avec moult renvois en fin de volume, vers des graphiques et des calculs… pour les scientifiques et autres astronomes, même débutants. On trouve même, au milieu du volume, un cahier de photos prises dans l’enfance puis au cours de la brillante carrière. Il y a mille raisons de lire ce livre. Ne fût-ce que pour sa prise directe sur le monde qui est le nôtre aujourd’hui, réflexions de profonde humanité, de clairvoyance… alors même que le texte est truffé de fines touches d’humour, voire d’autodérision.

« La voûte céleste se teintait alors d’un vert qu’on aurait dit luminescent […] Je pense que ces moments intenses où nous nous retrouvions en famille, assis sur le vieux banc de bois adossé au grand peuplier liard, ont joué un rôle majeur dans mon rapport à la nature et au sacré. » « Dans la psyché humaine, le domaine du religieux et du sacré englobe et dépasse celui trop restreint d’une confession donnée. » Et de citer Gao Xingijan : « Si l’homme a besoin du langage, ce n’est pas seulement pour communiquer du sens, c’est en même temps pour écouter et reconnaître sa propre existence. » Et de rappeler la phrase de René Char : « Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux » – là où la poésie et la science s’étreignent…

Francophone dès l’enfance à Montréal, fervent lecteur de Valéry (mais pas seulement), grand mélomane, l’auteur manie notre langue comme le véritable écrivain qu’il est. Un régal interfacultaire !

 

Rose-Marie François

 
Hubert Reeves, Je n’aurai pas le temps, Points Sciences, 2014, 341 p.

 

 

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